Je suis très fan de cette couverture qui va rafler pas mal de récompenses. On y retrouve notre Barbra de dos, sans doute au terme d’une longue soirée de fêtes à Chicago. Elle fait donc face au lac Michigan, ce qui nous permet d’affirmer sans risque d'erreur qu’il s’agit d’une aube et non d’un crépuscule. Belle ligne de corps, non ? Une image que j’aime de notre artiste. Toujours est-il que, désormais, notre artiste new-yorkaise est une super star qui ne craint rien ni personne. Cela fait à peine deux ans que sa voix tonne depuis son Olympe, de manière discographique, mais sa domination est déjà sans partage : People est son cinquième opus, et nous sommes encore en 1964.

Les compositeurs Merryl et Stine continuent de proposer des titres à Barbra, suite au succès de Funny Girl. Pour débuter l’album, la magnifique "Absent- Minded Me" propose une performance de toute beauté de Barbra qui domine la concurrence de la tête et des épaules en cette année 64. Incroyable au niveau vocal, la chanson est diaphane et toute immaculée, à l’image du lever de soleil auquel assiste Barb.
"Supper Time" est comme un pied-de-nez à l’immense "Summertime" des GERSHWIN, et l’on se dit qu’on aimerait bien entendre la Barb sur le classique en question, ferait-elle aussi bien qu'Ella FITZGERALD dans le rôle de Bess ? Ce petit exercice de style a une bonne tête en tout cas. Irving Berlin avait à coeur de dénoncer les lynchages dont étaient victimes les noirs au début de siècle aux USA. Lachanson est donc une collègue du "Strange Fruit" de Billie HOLLIDAY.

"When In Rome" la voit évoluer tout autour de l’Europe et toujours retourner en Italie et, plus particulièrement, à Rome, la ville des vacances. Ambiance espagnole et castagnettes sur "How Does The Wine Taste", un paso doble ensoleillé et superbement chanté par Barbra qui prouve à l’occasion qu’elle sait tout faire. Magnifique de facilité et insolente de classe, c’en est presque irritant tant elle s'y montre parfaite.
Le petit rythme jazzy samba de "I’m All Smiles" nous fait entrer dans une autre catégorie. Alors bien sûr, c’est encore et toujours cette même analyse sur la voix imperturbable de maestria de Miss STREISAND. La dynamique de "Love is A Bore" montre que la chanteuse est à l’aise quel que soit l’endroit choisi en Amérique du sud. Les percussions pourraient emporter la compo mais pensez-vous ! Barbra est seule au monde !

"Will He Like Me" sort du musical de 1961 She Loves me aujourd’hui culte parmi les afficionados du genre. Evidemment, c’est un brin pétri de bons sentiments et de guimauves. Américain jusqu’au bout des ongles. Mignonnet quand on aime que ce soit bien kitsch. Et la voilà qui se met à concurrencer Frank SINATRA ou Dean MARTIN sur une composition comme "Autumn" qui s’en sort encore une fois, le challenge, même de taille, n’apparaissant guère compliqué pour la coquine Barbra.
L’ambiance est smooth et tamisée sur "Fine And Dandy", toujours cette voix dingue qui leade la chanson vers les sommets.

Le titre invraisemblable pour des yeux et des oreilles de nos époques des années 20, "My Lord And Master", n’est pas le meilleur de cette livraison. "Don’t Like Goodbyes" présente l’originalité d’être un texte de Truman Capote sur une musique d’Harold Arlen qu’on connaît comme un des gros pourvoyeurs de classiques de musicals, "Over The Rainbow", c’est lui. Le rythme classique, doux et fiévreux permet à la voix de tout emporter sur son passage. Enfin, on connaissait déjà "People", entendue quelques mois plus tôt dans la B.O de Funny Girl. Je ne vois guère d’écart entre ces deux versions. Barbra est impressionnante, mais ce n’est guère nouveau.

Ce cinquième opus de l’égérie new-yorkaise est encore d’un niveau remarquable. Les compositions choisies servent au mieux la puissance de sa voix toujours impeccable. Difficile d’établir des chroniques rigoureuses dans ce genre d’environnement, car la prendre en défaut relève de l’exception, ce qui n’est jamais arrivé pour l’instant. L’heure de grâce se poursuit pour la chanteuse qui n’en est jamais qu’à deux ans de destinée discographique.
Un 4 évident.