Bizarrement, l’info est passé inaperçue. Radio, télé, presse écrite, personne n’en a parlé. Je vous le révèle donc ici en exclusivité : le 2 octobre 2015, on est passé à un poil de moustache du suicide de masse. Imaginez : ce jour-là, des centaines de milliers de fans des Eagles Of Death Metal à travers le monde se ruent chez leur disquaire. SEPT ANS D’ATTENTE ! N’importe qui aurait craqué, mais pas les EODM maniacs. D’autant qu’en plein coeur de l’été, le groupe nous avait filé de quoi patienter sagement : « Complexity », probablement l’un des meilleurs titres jamais proposés par le tandem Hughes/Homme.

Retour le 2 octobre. Le couteau entre les dents, le fan transi lance ce Zipper Down à la pochette si prometteuse. Et là… RIEN. Nervous breakdown.

La première écoute de cet album a été traumatisante. Où sont passés la douce folie de Death By Sexy et les titres dantesques d’Heart On ? La douche est d’autant plus glacée que « Complexity » est une chanson parfaite, dansante, barrée, garage, fidèle à l’esprit EODM. Mais le reste, ouah. 34 minutes plus tard, c’est à peine si j’ai dodeliné de la tête.

J’exagère. En fait, Zipper Down est un album qui s’écoute la tête froide. Il m’a bien fallu deux semaines pour le décortiquer et y trouver des qualités. Car oui, Zipper Down n’est pas un si mauvais album que ça. La production, d’abord : énorme, chatoyante, avec des détails partout. Chapeau bas à Josh Homme, Zipper Down sonne résolument moderne. Le son de la basse et les parties de guitare sont toujours aussi léchés, avec parfois quelques touches électroniques bien amenées (« Skin-Tight Boogie »). Ensuite, la voix de Jesse Hughes. Fini le tout-aiguë des débuts, l’organe de « Boots Electric » gagne en maturité et nous offre quelques moments d’anthologie (« Save A Prayer »).

En soit, la forme est parfaite. C’est sur le fond que Zipper Down déçoit. On a parlé de « Complexity ». C’est à peu près la seule composition excellente que vous trouverez ici. « Silverlake (K.S.O.F.M.) » démarre bien (cette basse !) mais se perd en cours de refrain. « Got A Woman » tente de jouer la carte rockabilly déglingo qui avait si bien marché avec « Chase The Devil ». Mais là, c’est raté.

« I Love You All The Time », tellement pas EODM, est une sympathique petite chanson pop, plutôt réussie. « Oh Girl » est pleine d’ambition : un riff tordu qui aurait pu figurer dans les compos d’Heart On, un pont grandiloquent avec ses roulements de batterie et un refrain à reprendre un choeur. « Got The Power » passe à toute vitesse, sans qu’il ne se passe grand chose. Ce n’est pas désagréable (avec ce petit côté Stones), c’est juste moyen. Par contre, avec sa talk-box et sa wah-wah, « Skin-Tight Boogie » est lancinante, vicieuse. Du très bon.

On continue avec « The Deuce », qui reprend pendant trois minutes la formule Death By Sexy, l’agressivité en moins. Ca passe. Quant à « Save A Prayer », piquée à Duran Duran, c’est la très bonne surprise de l’album. Qui aurait un jour imaginé Jesse Hughes chanter comme ça ? C’est beau, emprunté et… mélodique. Les Eagles Of Death Metal ont changé je vous dis. D’ailleurs, les EODM d’avant auraient-ils laissé en chantier une chanson comme « The Reverend » ? Jetez donc une oreille à ce titre : un hymne hard resté à l’état de démo…

On sort de « The Reverend » comme on sort de Zipper Down : frustré. L’esprit EODM est là de bout en bout, mais il manque un truc, une explosion quelconque. Peut-être le travail de production et d’écriture (sept ans, encore une fois) a-t-il pris le pas sur la spontanéité et le coup d’éclat ? Jamais nerveux, plus carré et accessible (limite froid ?) que ses prédécesseurs, Zipper Down c'est est un peu le « cool » sans le glamour, le laid-back qui a pris le pas sur l’arrogance. D’accord, on passe un bon moment et réentendre Jesse Hughes est un vrai plaisir. Mais sept ans d’attente pour être déçu, même un peu, ça fait mal aux fesses.