Fondé à Munich à la fin des années 60, Out of Focus (à ne pas confondre avec Focus, le groupe hollandais) fait partie de la rangée de seconds couteaux du krautrock, ceux qui ne sont pas systématiquement cités quand on parle du genre, contrairement à Amon Düül II ou Popol Vuh, pour rester dans la même ville. Et pourtant, dédaigner ce groupe, c'est s'assurer de passer à côté d'une solide expérience musicale à tenter.

Out of Focus, une formation classique de krautrock, se distingue par une approche plus progressive et jazz-rock de la musique. D'aucuns vont même jusqu'à faire la comparaison avec le Canterbury – peut-être à cause du saxophone du chanteur Moran Nemüller ? En tout cas, Out of Focus s'inscrit dans la lignée des groupes qui prétendent à raison sortir de la musique originale, un bon choix, surtout en ce début d'année 70 propice aux débordements en tous genres. C'est donc en 1970 que le quintette enregistre son premier disque, nommé Wake Up!

Pour un premier album, Out of Focus s'en sort plus que bien. Le groupe ne se fait pas prier pour sortir le grand jeu, et ce dès le premier morceau, "See How a White Negro Flies". À l'exception notable de "No Name", les morceaux s'étendent entre 5 et 9 minutes, conséquence d'une musique qui exige de se dérouler et ne supporte pas les formats pop classiques. De plus, si certains instruments, en particulier les vents, se font par moments plus entendre que d'autres, Wake Up! prend le soin de présenter une force collective plutôt qu'une somme de forces individuelles, et ça marche bien ici. En particulier, ce qu'on retiendra en priorité, c'est "God Save the Queen, Cried Jesus", au refrain simple et entraînant, entrecoupant des couplets et ponts instrumentaux entêtants. Pas étonnant qu'avec le direct "See How a White Negro Flies" (ces titres...), ce soit l'un des morceaux les plus « connus » d'Out of Focus.

Ces deux morceaux, qui ouvrent l'album, ne font pourtant qu'annoncer la couleur, autrement dit tout n'est pas donné dès le début pour enchaîner sur une potentielle déconvenue. Non, Out of Focus n'aura tout donné que jusqu'à la dernière seconde de son ultime morceau, "Dark, Darker". "World's End" est une envolée progressive truffée de plans divers qui s'enchaînent et s'emboîtent comme des Legos, tout en faisant passer le temps plus vite tellement c'est un morceau de bonne facture. Et qu'on ne se méprenne pas sur "No Name" : même s'il est très court, il permet de montrer que Out of Focus sait se démener pour proposer quelque chose de concrètement intéressant sur une durée bien plus courte.

Autant d'enthousiasme devrait donc s'accompagner d'une note reflétant un album hors normes. Alors pourquoi « seulement » un 3/5 ? Ce n'est pas forcément (ni seulement) dû à sa nature de premier album, c'est aussi en partie à cause du caractère fugace et oubliable des compositions. Ces dernières sont bonnes, mais ne s'accrochent pas au cerveau, tant et si bien qu'il faut vraiment repasser dessus avec beaucoup d'attention. De plus, le son parfois vieillot n'aide pas non plus à apprécier pleinement la musique, même si pour l'époque, dans le krautrock, on a vu largement pire (coucou le premier Kraftwerk). Qu'importe, c'est déjà un bon début, et puis au pire la suite sera meilleure.