Fort de deux précédents albums en bien des points remarquables, Out of Focus s'impose comme un groupe à suivre, dès lors qu'on commence à regarder ailleurs que vers les grosses pointures du krautrock. Le quintette propose en 1970-1971 une musique à mi-chemin entre ce genre atypique et un jazz-rock audacieux et inventif. Mais ceci est (quasiment) balayé du revers de la main en 1972, lorsqu'Out of Focus sort Four Letter Monday Afternoon.

Four Letter Monday Afternoon, troisième album d'Out of Focus, embrasse à pleines dents le jazz-rock. Aux divagations underground et krautrockeuses sont préférés des délires jazzy impliquant bien entendu de longues impros à peine contrôlées. Mais qu'on se rassure, le changement n'est pas radical : cette fibre-là existait déjà par le passé, il se trouve juste que le groupe a décidé de la privilégier au détriment des autres. De plus, sa patte personnelle reste bel et bien présente, on comprend bien qu'on écoute du Out of Focus ici, il n'y a pas de souci. Il faut cependant s'accoutumer à un format plus long, encore plus que les précédentes pièces épiques qui dépassaient les 10 minutes sans atteindre le quart d'heure. Ah, et chose importante, c'est un double album, avec tout ce qu'il compte de défauts inhérents, le premier étant bien sûr la longueur excessive du tout.

Tout au long de Four Letter Monday Afternoon, Out of Focus déverse un krautjazz véloce, maîtrisé et bon à écouter. Entre la flûte mélodieuse, la guitare acérée, ou encore les saxophone et trompette déchaînés, difficile de dire qu'on a un disque plat ici, loin de là. Le groupe le prouve principalement à travers le premier disque, en particulier à travers l'explosif "L.S.B". Ce véritable pavé fait la part belle à une évolution musicale intéressante (même si un peu décevante quand on a beaucoup aimé l'album de 1971), et se déroule sans temps mort ni passage ennuyeux pendant 17 minutes. Un vrai petit exploit qui n'a cependant pas de caractère universel, il faut s'accrocher quand on n'a pas les atomes crochus avec le genre. Sur un format plus court, "Tsajama" et "Black Cards" offrent un visage plus carré, moins délirant que sur "L.S.B.", mais n'en restent pas moins bons.

Rien qu'avec ses trois premiers morceaux, Out of Focus possède déjà de quoi faire un album franchement pas dégueulasse. Cependant, il a fallu qu'il en rajoute une couche avec le deuxième disque. En effet, le quintette s'engouffre dans une longue suite. "Huchen 55", divisée en 3 parties, s'étale en effet sur près de 50 minutes, ce qui n'est pas rien, surtout à l'époque du vinyle. Prise de manière isolée, chacune révèle un Out of Focus foncièrement ambitieux et ne lésinant pas sur les audaces musicales. Mais ce n'est pas du génie pour autant, et surtout, quand on écoute le tout d'une traite, l'impression générale qui en ressort est celle d'une indigestion, aussi bonne fut la recette.

En un mot, Four Letter Monday Afternoon aurait vraiment gagné à être réduit au premier disque. Le second rajoute de la lourdeur, fait de l'oeuvre entière un monstre boursouflé bien que goûteux. Niveau accessibilité, on repassera. Pour la qualité en revanche, le groupe ne faiblit pas, et le prouvera dans un futur album studio, mais... qui ne sortira que bien plus tard. Peut-être même trop tard.