Quel est le groupe qui a révolutionné le metal depuis les années 2000 ? Si les historiens se posent la question dans plusieurs décennies, ils trouveront vite la réponse dans l’oeuvre hors norme de SUNN O))).L’entité a en effet façonné une discographie sinueuse et aventureuse, dans un genre, le metal, souvent taxé de conformiste, ce dernier étant partagé, depuis au moins 25 ans, pour le pire, entre des horreurs racoleuses (l’épouvantable nu metal) et du “revivalisme” excitant (les différentes scènes dites “stoner”).

Créé à la base par d’anciens combattants de la scène Doom/Sludge, les moines-soldats Stephen O’Malley et Greg Anderson, le groupe n’a jamais recherché la facilité et a toujours innové dans les sonorités extrèmes, en créant un courant à lui tout seul, l’écrasant Drone-métal. Ces dernières années, SUNN O))) avait collaboré avec le who’s who de la musique expérimentale bruitiste (Masami Akita alias MERZBOW, Oren Ambarchi, Dylan Carlson d’EARTH, Attila Csihar de MAYHEM, les “black metalleux” ouverts d’ULVER…) et mème Monsieur Scott WALKER (l’étonnant “soused”). Leur dernière oeuvre revient à l’essentiel : un puit abyssal de drone qui ne revient pas dans les délires jazzy barrés de leur précédent méfait, le fantasque Monoliths and Dimensions. Retour aux sources, si on peut dire… Certes, on ne retrouve pas la noirceur anxiogène de leurs origines et surtout de “Black One” mais l’aspect mantra chamanique l’emporte nettement.

Trois pièces d’environ une dizaine de minutes chacune montées on ne sait où, vous transportent dans un périple où tous les paysages sont explorés, des bas fonds de l’enfer aux cimes himalayennes en passant par d’hypothétiques cathédrales englouties sous l’Atlantide… Lourdeur, ultra puissance carctérisent ce magma en perpétuelle évolution sonore atteignant quasiment une perception mystique qui oscillerait entre le nirvana bouddhiste et les lumières lucifériennes. Depuis la musique minimaliste de STEVE REICH, le drone expérimental de CHARLEMAGNE PALESTINE et le krautrock de CAN, on connaît la recette de ces psaumes hypnotiques qui nous chamboulent les sens… SUNN 0))) perpétue cette tradition déviante et leur dernière oeuvre reste donc dans l’exploration de territoires soniques encore inconnus.

La première aurait des accents quasi bluesy… Mais alors une sorte de blues minimaliste surpuissant, évidemment sabbathien, parasité par des bruits d’insectes monstrueux. Les vocaux inquiétants d’Attila, rappellé à la rescousse entre deux messes noires, la transforme progressivement en drone cosmique. Sur “Kannon 2” =, çà reste, bien sur, toujours aussi tordu… Au bout de trois minutes on entend le sermon d’un prêtre alchimiste déclamant des propos forcément ésotériques dont seul un membre “crowleyen” de l’O.T.O. (Ordo Tempi Orientis) pourrait déchifffrer les codes (et encore !). Le troisème titre débute sur un ton éthéré mais ce dernier est vite rattrappé par le maléfique bourdon. On pense, ici, aux premiers EARTH, l’ancètre du drone, et l’influence number one de l’infernal duo. Et toujours au bout de trois minutes, les litanies paradisiaques (!?) de l’enfant de choeur Attila se métamorphosant en gargouille venue de Pluton…

Terrassant mais en mème temps bizarrement “apaisant”, ce disque “oxymorique” est une invitation baudelairienne à un voyage, parsemé toutefois de charognes puantes…