Lire un livre, c'est travailler son imagination, voyager au fil des pages. Voir un film, c'est être le témoin de l'imagination d'un autre. Entre les deux, il y a la musique. Car un album, s'il présente la vision d'un artiste, est aussi un formidable moyen d'évasion. Les notes, le chant, les instruments évoquent des paysages, des images, des ambiances, que l'auditeur actif met à profit pour construire autour d'un album un imaginaire qui lui confère longévité et profondeur.

Austin LUCAS est de ces artistes qui savent stimuler l'imaginaire de leurs auditeurs. A l'image d'un Chuck RAGAN ou d'un Ben HARPER, l'Américain est un touche-à-tout qui reste, ses réalisations studio en attestent, viscéralement amoureux d'un folk roots et brut de décoffrage. Ses accointances passées avec la scène punk-rock n'étant sans doute d'ailleurs pas étrangères à cette volonté de proposer un son cru et dénué de tous oripeaux superflus.

Pour son septième effort solo, le chanteur reste fidèle à ses racines. Un country-folk majoritairement acoustique, agrémenté de sonorités rock et d'une slide-guitare doucereuse, l'ensemble constituant une irrésistible invitation au voyage. On déambule ainsi, avec l'artiste, à travers les plaines et plateaux de l'Ohio, dans une chaude lumière automnale apaisante. Voici le genre d'image qu'évoque l'introductif "Unbroken Hearts", toutes guitares dehors, titre posé et country-rock jusqu'au bout des bottes, porté par la voix si caractéristique du chanteur et par un refrain qui donne envie de se mettre en marche, baluchon sur le dos.

Évoluant, cette fois-ci plus que sur ses précédentes réalisations, dans des ambiances mêlant country et rock'n'roll ("The flame" et son piano de saloon), Austin LUCAS se fait impérial et audacieux. On l'aime lorsqu'il part dans de grandes envolées folk-rock urgentes et énergiques ("Kristie Rae"), tout autant que lorsqu'il se fait intimiste, offrant par exemple sur "William" de délicates ambiances acoustiques qui servent de support à sa voix à la fois puissante et maîtrisée.

Plus abouti que sa précédente réalisation, "Between The Moon and The Midwest" est un festival d'ambiances bigarrées, qui ne souffre que de quelques redondances ("Call the Doctor", dispensable) et donne surtout l'impression d'être le travail le plus abouti d'un artiste qui séduit autant qu'il surprend (ces superbes lignes vocales sur le mid-tempo sombre "Next To You").

Il faut l'écouter pour le croire, se jeter tête baissée dans cette expérience musicale intense, qui est sans conteste ce que l'on attend (tout du moins votre serviteur) d'un album country-rock après une décennie où le style fut galvaudé par de faux talents de tous poils. Un album à la fois simple et exigeant, sombre et lumineux, qui témoigne de toutes les facettes du talent de l'artiste. Pas loin d'être sa plus belle réussite.