1977, une belle année ! Les amateurs de dance floor se trémoussent sur « Car Wash », les couples se font et se défont sur « Hotel California ». Chez nous, VOULZY triomphe sur « Rockollection », TELEPHONE est « Sur La Route » et hurle dans son « Hygiaphone », PLASTIC BERTRAND plane pour lui-même. MARLEY enregistre « Exodus », et l’année voit arriver quelques gros blockbusters musicaux « Out Of The Blue » (ELO), « Seconds Out » (GENESIS). Dans le monde, ELVIS, le scénariste Goscinny et Prévert rejoignent le paradis. Chez nous, on utilise la guillotine pour la dernière fois. En Angleterre, les CLASH déboulent sur les ondes tandis que les SEX PISTOLS heurtent les esprits bien pensants et la Reine.
Les SEX PISTOLS, justement. Le groupe cartonne avec « Never Mind The Bollocks », album sur lequel Chris SPEDDING intervient sur trois titres. Revenons à Chris SPEDDING. En 1977, Chris a 33 ans mais déjà une solide carrière comme sessionman, producteur et guitariste puisqu’il a déjà cinq albums à sa discographie. L’année précédente, il s’est fait remarquer avec son premier essai pour le label Rak de Mickey Most. Si la petite maison indépendante publie peu de disques, elle connaît d’étonnants succès. Entre 1974 et 75, Most a sorti une trentaine de singles dont 12 rentrèrent dans le Top 20 britannique, un carton par rapport à EMI et autres majors. SPEDDING perce donc en 76 essentiellement grâce à deux titres « Guitar Jamboree » et « Motor Bikin’ » un pogo d’enfer qui ne passe pas inaperçu, même dans l’Hexagone. Il a aussi enregistré « Pogo Dancing » avec les VIBRATORS. SPEDDING est un hyperactif qui s’ignore.

Notre Anglais dispose déjà d’un sacré curriculum vitae, plus épais qu’un bottin. Guitariste réputé, il est très demandé comme musicien de session participant à de nombreux albums dans différents registres (JULIE DRISCOLL, JIM CAPALDI, The DRIFTERS, HARRY NILSON, ELTON JOHN, LINDA LEWIS, ROXY MUSIC, GEORGIE FAME et même MICKEY BAKER et MEMPHIS SLIM, en clair SPEDDING n’est pas un jeune perdreau. En dehors de son job de musicien de studio, il a aussi fait les beaux jours des SHARKS jouant aux côtés d’Andy Fraser (ex FREE), sans oublier ses passages au sein du groupe de PETE BROWN, ALAN PRICE, ROY HARPER. Le bonhomme ne chôme pas et fonctionne assez souvent au feeling.
Producteur avisé et malin, Most envoie le guitariste à Londres à l’AIR Studios, propriété de Sir George Martin. Chris n’est pas venu les mains vides, il a apporté huit compositions et a décidé de s’attaquer à « Road Runner », hit de BO DIDDLEY repris par les ZOMBIES, PRETTY THINGS, JOHNNY WINTER et les ANIMALS. Cette nouvelle version vaut le détour avec une grosse ligne de basse et un chant inspiré. Seconde reprise avec « Wild In The Street », issu d’un single Atlantic de Garland Jeffreys. Là, l’accent est mis sur la partie guitare. Spedding n’est pas venu pour faire de la figuration, il a envie d’en découdre. L’interprétation est juste adoucie par la présence de trois choristes dont Chrissie HYNDE (future PRETENDERS).

Guitariste éclectique, admirateur de COCHRAN et d’Albert KING, SPEDDING nous oriente avec ses nouveaux titres vers un répertoire résolument Rock. Il n’hésite pas à incorporer une coloration punky ou garage comme en attestent le vitaminé « Get Out A My Pagoda » ou « Wild Wild Women ». Le guitariste sait aussi faire preuve d’ambigüité, « Ain’t Supersticious » fait office de Voodoo Rock complètement déjanté. Mais l’Anglais parvient à se faire tendre avec la ballade en rockin’ valse « Woman Trouble » avec un excellent passage d’accordéon de Jack Emblow (l’accordéon sur « Magical Mystery Tour » c’est lui, idem pour certains disques de CAMEL). Terminons ce panorama par le titre phare de l’album « Hurt By Love » qui conclut l’album en fanfare, un Rock' n' Roll violent dont le chorus vous colle à la tête. «  Hurt By Love », ça veut bien dire « Blessé Par l’Amour », on a du mal à croire que l’Anglais puisse être blessé par quoi que ce soit. Une telle débauche d’énergie donne l’impression qu’il est intouchable.
Afin d’être complet, signalons que la plupart des compositions ont été rôdées en concert et que SPEDDING s’est adjoint une équipe d’enfer (des amis musiciens qu’il a croisés lors de sessions) avec le batteur Clem Cattini (ex KINGS, LOU REED, JOHNNY KIDD), le bassiste Herbie Folwers (sideman pour BOWIE, HARRY NILSSON, LOU REED) et du percussionniste batteur Ray Cooper (ancien d’ELTON JOHN, KINGS, GEORGE HARRISON et batteur complémentaire sur le « It’s Only Rock n Roll » des STONES). Afin de ne pas paraître trop dithyrambique, on pourra juste regretter que Folwers n’ait pas soufflé dans son tuba, instrument qu’il maîtrise à la perfection et qu’il avait utilisé dans un des disques précédents de son leader. Signalons que ce vinyle a été réédité à plusieurs reprises par EMI et le label français Fan Club, filiale de feu New Rose.

PS: Afin de mettre du beurre dans ses épinards, Chris accompagnera quelques-uns de nos artistes hexagonaux: Notre Johnny National sur "Rock'n'Roll Attitude", à l'instar de Tony Joe White, cela lui permettra de renflouer sa boîte de production. Chris a aussi secondé DICK RIVERS, H. F THIEFAINE sur "Fragments d'Hébétude" en 1993 et plus curieusement la chanteuse Mylene FARMER en 99 sur "Innamoramento", un album inconnu de votre chroniqueur.