Le label anglais rallonge sa série « The Complete Singles As & Bs » avec cette nouvelle publication dédiée à Jimmy REED. Originaire du Mississippi où il exerce la profession de garçon de ferme, Jimmy Reed écume sa région natale avant de s’installer à Gary dans l’Indiana durant la Seconde Guerre. Il troque son costume de fermier contre celui de fondeur. Pendant près de dix ans, il bosse comme un damné dans son aciérie et se produit le soir dans les tavernes et bouges de la région en compagnie d’Eddie TAYLOR, John et Grace BRIM, Albert KING (qui officiait alors comme batteur) et Big Daddy KINSEY.

Notre bonhomme a mis au point une technique infaillible, il joue principalement en formule trio pour des raisons économiques et repose son répertoire sur un jeu de guitare en walking bass, un harmonica porté qui adoucit la sauce, un chant aussi flemmard que languissant qui finit toujours à rentrer dans la tête des spectateurs pour ne plus en ressortir. Simple et efficace ! Les chansons de conception légère conjuguent des bluettes pop tendance fleur bleue écrites par sa femme, Mama REED, et des textes blues un brin salaces, à l’opposé des textes durs du West Side ou de ceux d’HOWLIN’ WOLF ou Muddy WATERS.

A force de drainer les foules, il est remarqué par Vivian CARTER ET James BRACKEN fondateurs du label VEE JAY, concurrent du label Chess et commence à enregistrer dès l’été 53. Il lui faut attendre un an avant de connaitre son premier grand succès avec « You Don’t Have To Go ». Pendant presque une décennie, le guitariste va accumuler tout une série de tubes : « You Got Me Dizzy » en novembre 56, « Honest I Do » qui grimpe dans le Top 50 blanc en aout 57, « What You Want Me To Do » qui monte sur la 37ème marche du Hot 100, « Hush Hush » en 1960, « Big Boss Man », « Big Boss Man » que reprendront Elvis et Jerry Lee Lewis, ou bien encore « Bright Lights, Big City » popularisé en Europe par les THEM et les ANIMALS.

Le guitariste, véritable usine à tube, parvenait à faire fusionner Chicago Blues, Swamp Blues et Deep Soul. La suite sera moins drôle, incapable de gérer sa popularité, ce personnage attachant tombe dans la bouteille, se fait larguer par Mama, perd ses fidèles musiciens un à un, lassés d’essayer de tenir leur leader sobre pendant les enregistrements et les concerts et devient victime de crises d’épilepsie de plus en plus fréquentes. Il ne pourra, malgré de nombreux essais infructueux, attraper au vol la caravane du Blues Revival qui lui tendait pourtant les bras. Il meurt en 76 d’une crise cardiaque, après avoir suivi une cure de désintoxication… … Comme quoi vivre sainement n’a peut être pas toujours que du bon !

Bon alors disons le tout net, cette compilation n’apporte strictement rien de nouveau. Les 54 titres présentement compilés figurent tous dans des coffrets Charly et divers albums Vee Jay. On se demande pourquoi le label anglais n’a pas l’effort d’inclure un troisième CD, Jimmy REED ayant gravé pour le label jusqu’en décembre 1965. Alors comme note positive signalons, chose rare chez les labels anglais, que la chronologie des titres est scrupuleusement respectée. Cette compilation ne s’adresse donc à priori qu’aux néophytes, les propriétaires d’albums du sieur Reed passeront probablement leur chemin. Le répertoire de Jimmy REED et du brillant guitariste Eddie Taylor figure tout de même parmi les pierres angulaires de la musique noire des années 50.