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- Style : Mercy

Slim HARPO - Slim Harpo Knew The Blues (1970)
Par LE KINGBEE le 26 Décembre 2019          Consultée 1660 fois

Contrairement à ce qu’annoncent certains sites, probablement perdus entre les différentes pochettes et nombreuses rééditions, il s’agit bien là du quatrième album de cette légende du Swamp Blues et non d’une compilation. Malheureusement, il s’agit d’un disque posthume.
En dehors de ses activités dans le Blues, Slim HARPO dirige une petite entreprise de camionnage ; le guitariste n’a jamais voulu mettre ses œufs dans le même panier et tient à avoir une roue de secours afin de faire vivre sa famille. Le 30 janvier 1970, suite à une crevaison, il se met lui-même sous le camion afin de changer une roue. Le kick lâche et Slim HARPO se retrouve écrasé sous le camion. Il s’en sort tant bien que mal et refuse d’aller consulter. Il doit se produire le soir-même à un concert et tient absolument à honorer son contrat malgré la douleur. A la fin de ce concert, HARPO est au plus mal. Suite à un malaise, on le conduit à l’hôpital où il décède quelques heures plus tard le 31 janvier 1970. En passe de devenir une vedette mondiale, le guitariste décède officiellement d’un emphysème.

Pour J.D Miller, patron du label Excello, le coup est rude, il vient de perdre son meilleur poulain, celui qui vend le plus de disques. Aujourd’hui, on suppose que Slim HARPO ne serait certainement pas resté chez Excello, lassé de se faire escroquer et à cause du caractère de J.D. Miller, un sympathisant du Klan. Slim HARPO est tout juste enterré que Miller décide de sortir un disque. He oui, il ne sert à rien de battre le fer quand il est froid, vous risquez de vous faire mal aux mains en vain.

Histoire d’amortir la perte du guitariste et de rentrer dans ses gains, J.D. Miller décide de sortir un disque. Le producteur regroupe des titres issus de plusieurs séances. « The Hippy Song », « Jody Man » et « Dynamite » proviennent d’une session gravée en mars 1969 à Los Angeles. « The Music’s Hot », « You Can’t Make It », « Boogie Chillum », « Rock Me Baby » et « Baby Please Come Home » sont quant à eux issus d’une séance de décembre 69 au Deep South Recording Studio de Baton Rouge. Le patron d’Excello complète ces 8 titres par deux titres mis en boîte à Crowley, « Baby Scratch My Back » gravé en octobre 65 et « I’m A Kingbee » véritable marque de fabrique et l’un des premiers hits d’HARPO popularisé lors d’une session de mars 1957.

Commençons à décortiquer cette galette une fois n’est pas coutume par la fin, avec deux incontournables. « Baby Scratch My Back » dans lequel l’harmoniciste invite sa belle à le rejoindre dans son bain pour lui gratter le dos. Paroles légères mais porteuses et tempo terriblement ensorceleur porté par une rythmique squelettique évoquant l’univers de Jimmy REED. Bien sûr, le morceau sera repris avec succès par Otis REDDING, Tony Joe WHITE, les YARDBIRDS et bien plus tard par les FABULOUS THUNDERBIRDS. Frank FROST connaîtra un hit mineur avec « My Back Scratcher », une réponse pleine d’humour à la version originale. En 1966, le jeune trio Dino, Desi & Billy ⃰en donnait une surprenante interprétation qui aurait dit-on recueilli l’admiration de Dean MARTIN. Second grand classique avec « I’m A Kingbee ». Si le titre n’entra pas dans les charts lors de sa sortie, il connut une seconde jeunesse en 64 avec les STONES qui lui rendirent ses notes de noblesse. On ne compte plus le nombre de reprises, de l’apprenti bluesman à l’artiste chevronné, le titre ayant fait voltiger plus d’une abeille. Bien sûr, la gente féminine s’accapara le morceau sous le titre de « Queen Bee ». Lucille Spann (avec Eddie Taylor à la guitare) et Koko TAYLOR en délivrèrent de savoureuses versions ne manquant pas de miel. Plus récemment, Peter FRAMPTON reprenait le morceau, témoignant ainsi de l’influence du bourdon pour la pollinisation.

L’univers lié au Swamp Blues et plus particulièrement à Slim HARPO est ici clairement palpable. Si l’humour et la dérision sont parties prenantes dans les textes, le guitariste modernise très finement son jeu. « The Music’s Hot » prend ainsi une légère coloration New Orleans. « You Can’t Make It » reprend tous les ingrédients liés au guitariste : accompagnement minimaliste entrecoupé de sobres riffs de guitare et d’un harmonica souvent plaintif qui finissent par vous coller à la peau. « Baby Please Come Home » se situe dans le même registre, entre ballade louisianaise et New Orleans Sound, le tout porté par une mélodie aussi simpliste qu’efficace. Même impression avec « Jody Man ». Connu pour son humour, Slim HARPO porte un regard attachant sur la nouvelle génération et un monde en pleine permutation comme en atteste « The Hippy Song », marqué par quelques riffs plus fulgurants. « Dynamite » nous dévoile un titre qui comme son nom l’indique sonne beaucoup plus nerveux en partie par le biais de la seconde guitare de Sammy Hogan (fils de Silas, autre grande figure du Swamp).

Certains critiques ont parfois reproché à HARPO d’opter pour des rythmes indolents bourrés d’humour aboutissant à des lignes mélodiques plus légères, un répertoire parfois à l’opposé de ceux de Lightnin’ SLIM, Silas Hogan, Clarence EDWARDS, plus ancrés dans le rural et le côté sombre. Le guitariste nous offre ici une pigmentation beaucoup plus rude et sans concession sur « Boogie Chillum ». Livré dans une interprétation brute de décoffrage au rythme dévastateur, HARPO parvient à délivrer une tonalité sans compromis, à l’instar de la future reprise de R.L. Burnside. Pour un peu, la version originale de John Lee HOOKER pourrait faire figure de berlingot.
Au risque de se répéter, certains bluesmen se sont accrédités sans vergogne des œuvres composées par d’autres. Disons, pour plus de mesure, que nombreux d’entre eux se sont inspirés les uns des autres, mais ne s’agit-il pas là d’une caractéristique qu’on retrouve dans l’art ? Lorsqu’il composa « Rock Me Baby » en avril 1964, B.B. KING ne pensait sûrement pas commettre un tel carton, le morceau rentrant directement dans le Top 40. Le titre puise fortement dans le « Rocking Chair Blues » de Big Bill Bronzy, le « Rocking Me Mama » d’Arthur « Big Boy » CRUDUP et surtout dans le « Rockin’ And Rollin’ » mis en boîte par Lil’ Son Jackson en 1950 pour le label Imperial. Muddy WATERS s’inspira par deux fois de Jackson avec « All Night Long » gravé pour le Noël 51 et qui se transforma en « Rock Me » cinq ans plus tard. Après cet alignement de données, on peut se demander si le titre de Bronzy ne reposait pas lui-même sur « Roll Me Mama » enregistré à Chicago le 3 février 1939 par le texan Curtis Jones.
Alors si on compte aujourd’hui environ 150 reprises du titre accommodé à diverses sauces (Chicago Blues, Rural Blues, British Blues, Blues Rock jusqu’à l’Acid Rock) la présente version se démarque largement de ses devancières, Slim HARPO gommant les aspérités du Chicago et du Mississippi Blues pour transformer le morceau en une ballade Swamp aussi collante que paresseuse, l’harmonica servant de fondations au morceau.

Ce superbe disque de Swamp Blues marque hélas la fin de cet auteur-guitariste-chanteur-harmoniciste de génie. Le disque pressage original qui se négocie en ce moment aux environs de 120 €, selon son état, a fait l’objet de multiples rééditions (Blue Horizon, Vogue). La publication Blue Horizon propose deux titres supplémentaires. Il existe une publication Sonet intitulée « He Knew The Blues » (SNTF769) dont le titre peut susciter la confusion. Ce recueil est une compilation ne regroupant que 4 titres du disque chroniqué et ne côte que 20 €.

⃰ Sous le prénom de Dino, se cache Dean Paul Martin (fils de Dean Martin) alors tout juste âgé de 14 ans au moment de l’enregistrement.

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   LE KINGBEE

 
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- Slim Harpo (chant, guitare, harmonica)
- Lynn Ourso (guitare 1-2-3-4-5)
- Sammy Hogan (guitare 6-7-8)
- James Johnson (guitare 9)
- Boe Belvin (guitare 9)
- Matthew Jacobs (guitare 10)
- James Taylor (guitare 10)
- Otis Johnson (basse 6-7-8)
- August Ranson (basse 9)
- Chuck Mitchell (batterie 1-2-3-4-5)
- Jesse Kinchen (batterie 6-7-8)
- Clarence 'jockey' Etienne (batterie 9)
- Pee Wee Johnson (batterie 10)
- Lazy Lester (percussions 9-10)


1. The Music's Hot
2. You Can't Make It
3. Boogie Chillum
4. Rock Me Baby
5. Baby Please Come Home
6. The Hippy Song
7. Jody Man
8. Dynamite
9. Baby Scratch My Back
10. I'm A King Bee



             



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