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AWEK - Awek (2021)
Par LE KINGBEE le 2 Mai 2021          Consultée 1858 fois

Plusieurs questions peuvent venir à l’esprit au moment d’ouvrir l’enveloppe en cellophane de ce digipack. Cet album est éponyme, choix curieux alors qu’il s’agit du douzième album de la formation toulousaine. Traditionnellement c’est le premier disque qui a la particularité d’être éponyme. Pouvait-il s’agir d’une panne d’inspiration ou d’un sentiment lié à une époque tourmentée dont on risque de se souvenir pendant longtemps ? La plaquette publicitaire nous explique que ce nouvel opus enregistré au Studio du Moulin est éponyme tout simplement parce que le quatuor ne fait appel qu’à deux invités sur trois pistes, contrairement aux albums précédents enregistrés aux States avec des invités haut de gamme. Le groupe pense également que cet éponyme demeure comme une signature sonore, une sorte de marque de fabrique. A titre perso, je pense que nos musiciens toulousains sont probablement trop modestes, trop humbles, si le trio d’origine se produit depuis 25 ans, cette patte sonore existe depuis bien longtemps. AWEK distille une coloration bien à part, une teinte particulière qui à l’instar d’un tableau de Van Gogh ou Magritte reste identifiable au premier coup d’œil.

Seconde question. Pourquoi une telle pochette ? On a l’impression que les quatre musiciens se cachent et affichent un trop plein d’humilité. Le visuel figurant sur le CD me parait plus sympathique, mais peut être lorgnait-il trop sur la pochette du premier SPIRIT ? Enfin quand on parlait de modestie, il convient de prendre cela avec des pincettes. En effet, la pochette dorsale vient contredire tout ceci. A l’instar de certains rappeurs français ayant récemment fait le buzz en bloquant une autoroute ou notre périphérique parisien, les toulousains n’hésitent pas à s’accaparer un chemin de traverse en y déposant un important matos.

Troisième question. AWEK ne se situerait-il pas parmi le Top Five des formations Blues ? En fait depuis plus d’une décennie, le groupe s’est imposé comme un poids lourd du Blues aussi bien sur scène qu’en studio. Ni voyez là aucun sentiment de chauvinisme, ou d’adulation excessive mais en dehors de Jimmie VAUGHAN, Kid Andersen, Harmonica Shah ou Bob Corritore, je ne vois pas à l’heure actuelle un groupe aussi prépondérant sur la planète Blues. Certains puristes me rétorqueront que je délire fortement, que je porte un jugement partial ou pourquoi pas diligenté. D’autres répondront que les ingrédients liés au Chicago Blues sont ici trop économiques ou parcimonieux. Je leur répondrai que le groupe ne reste pas figé les deux pieds dans le même sabot et qu’il propose un bien beau voyage avec d’agréables escales sur la Côte Ouest et plus au Sud vers la Louisiane et le Texas. D'autres sourcilleront goguenards remarquant qu’il s’agit là de quatre musiciens blancs et de surcroît même pas ricains. Je leur répondrai que la cueillette du coton dans le Mississippi est révolue depuis longtemps. Je leur signalerai aussi que le niveau de la production dite Blues Blanc s’est considérablement améliorée depuis une vingtaine et que désormais de nombreux bluesmen noirs se sont orientés vers un mélange hybride de Blues urbain et de Blues Rock perdant ainsi une partie de leur identité sous prétexte de vendre plus. Clôturons là cette traditionnelle bataille de clocher entre Blues Noir et Blues Blanc, étant entendu que c’est le rendu sonore qui nous intéresse en priorité.

Alors revenons rapidement sur AWEK et tentons d’expliquer pourquoi le combo se situe au dessus du lot. Trois des membres se produisent ensemble depuis 25 ans, une paye me direz-vous ! Cela implique forcément une complicité, une amitié et une cohésion à toute épreuve, on ressent quasiment un état d’esprit quasi fusionnel. Rajoutons que le dernier membre, l’harmoniciste Stephane Bertolino, s’est fondu complètement dans le groupe depuis plus d’une décennie et que ce virtuose figure lui aussi à l’heure actuelle parmi les trois ou quatre harmonicistes qu’il faut avoir entendu un jour dans sa vie.

Enregistré dans le Lauragais en juin et décembre 2020, cet éponyme pose clairement la patte ou la griffe AWEK dès le titre d’ouverture. Capté par Jérôme Cotte (ex Circo Mexicano) l’opus bénéficie d’un excellent rendu via le mastering de Nico Leophonte (batteur français des FABULOUS THUNDERBIRDS) à l’Alcino Studio d’Austin (lieu prisé par Lou Ann BARTON, Nick Curran ou WC Clark).C’est encore une fois un répertoire assez personnel que délivre le groupe, dix des quinze titres proviennent de la plume de Bernard Sellam, tandis que l’instrumental "Smokin’ Mambo" a été composé par Stéphane Bertolino. D'entrée on se retrouve comme happé avec "We Gonna Make It Through", le rythme indolent, une rythmique de métronome et un harmonica chirurgical parviendraient à envouter n’importe quel excité et le faire tomber en transe hypnotique. A travers ce tempo nonchalant, presque paresseux, la Gibson sort ses griffes à bon escient pour nous sortir de notre torpeur. Un premier coup de canon. Petit détour vers la Californie avec "Bring It On" qui rappelle par certains moments Rick ESTRIN et ses Nightcats. Retour au Sud pour une escapade entre le Texas et les bayous avec "She’s All Mine". Si la rythmique est toujours aussi efficace, la guitare s’offre sans en avoir l’air du plein centre à chaque tir. L’harmonica et la gratte s’offrent un véritable récital avec l’instrumental "Smokin’ Mambo", évocateur de Guitar Gable et de King Karl. Cette impression de fausse torpeur se retrouve encore sur "I Like To Be Alone".

Mais la richesse du combo se situe dans ses nuances, tel le caméléon le groupe est capable de changer de teinte afin de mieux nous surprendre. "Wink Of An Eye" en est l’exemple parfait, le morceau tient autant du Swamp que du Blues californien. Autre instrumental, "Beer O’Clock" nous réexpédie vers la West Coast et le Jump. L’harmonica chromatique contribue à apporter d’autres parfums tandis que la guitare évoque celle de T Bone Walker. Si le titre est instrumental il n’en reste pas moins plein de vie et fait espérer qu’on pourra bientôt s’en jeter un coup derrière la cravate. "The Healer" pourrait servir de pont entre la Californie et Austin avec de bons passages de slide. Enième super compo avec "The Dream", véritable chaînon manquant entre Lonesome SUNDOWN et le chromatique de George "Harmonica" Smith. Retour sous le chaud soleil californien avec "Tell Me What’s The Reason" avec une guitare aérienne et une rythmique toujours aussi implacable. Dernière composition avec "I'm Staying Home" dans lequel l’harmonica pleurnichard évoque Whispering Smith tandis que rythmique et guitare marchent sur les pas de Silas HOGAN.

Quatre reprises judicieuses viennent agrémenter l’opus. AWEK bifurque pour l’occasion par Chicago avec "Goin’ Away Babe", titre Chess de Jimmy ROGERS. L’interprétation nous parait autrement plus sincère et authentique que celle délivrée par le Jimmy Rogers All Stars Blues Band, dans laquelle JAGGER et Keith RICHARDS étaient venus se greffer. Grand moment de tendresse avec "Black Night", titre de Charles Brown parfois accrédité à Jessie Mae Robinson. L’harmonica chromatique remplace avantageusement le sax de Maxwell Davis et contribue à instauré un décor dramatique derrière un jeu de guitare aussi précis que flamboyant. Retour vers la Nouvelle Orleans avec "Gumbo Blues", une brillante compo de Dave Bartholomew popularisée par Smiley Lewis, un ancien concurrent de FATS DOMINO. Dernière reprise avec "Just Got To Know", superbe pépite de Jimmy Mc Cracklin auteur du hit "The Walk". Là le groupe réussit à créer une brillante mixture entre les versions de Lonesome Sundown, Billy Boy Arnold et Finis Tasby.

Dans une discographie, il arrive souvent qu’un ou deux disques déclenchent des éloges quasi généraux et se détachent largement du lot. A contrario, certains disques auxquels on ne pense pas forcément peuvent procurer chez certains auditeurs un bonheur incommensurable. A titre perso, j’ai toujours eu une petite préférence pour "Just Pick Up The Pieces", non pas que ce disque soit meilleur qu’un autre mais c’est pourtant aujourd'hui encore l’un des albums qui intègre le plus souvent ma platine, un signe révélateur et qui ne trompe pas. J’ai le sentiment que cet éponyme ne devrait pas tarder à rejoindre une cadence similaire. Que cela soit au niveau des compositions, des mélodies, des quatre reprises triées sur le volet, il n’y a strictement rien à jeter dans cet album. Le répertoire demeure cohérent du début à la fin, les différents membres n’ont d’autre but que de lancer les partenaires sur orbite, la rythmique est stratosphérique et la production particulièrement soignée. Le jeu de guitare est excellent, Bernard Sellam n’a pas besoin de nous expédier pleine face une cascade de notes qui finit invariablement par noyer l’auditeur. Les amateurs d’Harmonica Blues devraient se régaler avec Stéphane Bertolino. Si son nom reste étrangement méconnu, le toulousain joue dans la cour des grands. Un disque qui devrait figurer dans le tiercé des productions Blues de l’année 2021. Sortie nationale prévue pour le 7 mai.

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   LE KINGBEE

 
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- Bernard Sellam (chant, guitare)
- Fred Cruveiller (guitare 1-8)
- Joel Ferron (basse)
- Olivier Trebel (batterie)
- Stéphane Bertolino (harmonica)
- Pascal Rollando (percussions 8)


1. We Gonna Make It Through
2. Bring It On
3. She's All Mine
4. Smokin' Mambo
5. Goin' Away Babe
6. Black Night
7. Gumbo Blues
8. I Like To Be Alone
9. Wink Of An Eye
10. Beer O'clock
11. Just Got To Know
12. The Healer
13. The Dream
14. Tell Me What's The Reason
15. I'm Staying Home



             



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