On ne le sait que trop peu dans nos contrées, mais la redécouverte du krautrock au milieu des années 90 est à l’origine d’une seconde ruée vers l’or. Un engouement soudain et étrange où l’Allemagne vient remplacer le Klondike, où l’Internet se fait pioche, où la pochette moisie se mue en pépite dorée. Et comme à l’époque du col Chilkoot, arnaqueurs et pyrites sournoises font malheureusement partie du quotidien du prospecteur. Car le fameux adage du « plus c‘est rare, plus c’est bon » ne fonctionne guère lorsqu’il s’agit de musique et les déceptions sont nombreuses, évidemment. Les illustrations ne manquent pas et l’exemple du jour s’appelle ainsi The NAZGÛL. Avec un unique album sorti en 1973, tiré à très peu d’exemplaires sur l’obscur label Pyramid de Cologne, n’importe quel amateur aurait hurlé au ciel en croyant avoir déniché la perle rare. Oui … mais non. L’or des fous, mes amis, l’or des fous ! Disque « réédité » par les Anglais de Psi-Fi en 1997, The Nazgûl n’est en réalité qu’une vaste blague destinée à surfer sur le regain d’intérêt pour le krautrock à la même période (1). On invente l’histoire d’un label perdu, on enregistre quelques albums, on les date des années 70 et le tour est joué ! Une recette vieille comme ma mère !

Mais l’infortuné mélomane peut parfois avoir de la chance et tomber sur une belle œuvre. Oui … mais pas là. Car The Nazgûl n’est pas bon du tout. Clairement influencé par les premiers TANGERINE DREAM et CLUSTER, mais aussi des artistes plus tardifs tels que THIS HEAT ou THROBBING GRISTLE, ces Spectres de l’Anneau-là s’essayent à l’un des styles les plus difficiles d’exécution : l’ambient. Un genre musical bien casse-gueule, que le trio britannique (2) a vraisemblablement un peu trop pris à la légère … Car entrer en studio, faire onduler quelques tôles, souffler dans une trompette et essuyer ses claviers, c’est à la portée du premier gus venu. Suivre la même démarche et en tirer quelque chose de potable, c’est autre chose ! Bon, l’album n’est pas inécoutable non plus et on lui reconnaîtra même une certaine qualité si l’on se force un peu. « The Tower of Barad-Dur » et « Mount Doom » comportent quelques bons passages par exemple, finalement assez prenants. Mais dans l’ensemble, The Nazgûl est un disque vraiment vide, répétitif et, invariablement, trop long. Les morceaux manquent de mouvements. C’est un parti pris certes, mais difficilement acceptable au vue du faible engouement que suscite cette musique. Un comble pour de l’ambient se voulant lugubre !

The Nazgûl est un album bien anecdoctique qui jouit pourtant de sa petite renommée sur le Oueb et parmi les amateurs de krautrock. La rareté de l’œuvre surpasserait-elle son intérêt réel ? Difficile de l’expliquer autrement, pour une œuvre qui s’oublie aussi vite qu’elle se télécharge … (3) Ne perdez donc pas votre temps avec cette arnaque, le dark ambient possède de nombreux représentants largement plus intéressants ! À réserver aux fanatiques, donc.

1,5/5

(1) À l’instar des formations suivantes éditées sur ce même label Psi-Fi : Cozmic Corridors, Galactic Explorers, Golem, Pyramid et Temple.
(2) Composé des illustres Gandalf, Pippin et Frodo … Des pseudonymes bien entendu, pour des musiciens d’ailleurs récemment identifiés : il ne s’agirait en fait que d’Aragorn, Legolas et Gimli de passage aux studios du Gondor en juin 1997.
(3) 30 euros le CD sur Discogs, non merci.