Toronzo CANNON est apparu sur le circuit du Chicago Blues assez tardivement. Il a d’abord privilégié une petite carrière de basketteur avant de se mettre à la guitare aux alentours de ses vingt ans. Si ses premières influences demeurent le Reggae et la Soca, cela ne l’a pas empêché de s’immerger dans le Blues, rien d’étonnant quand on est issu du South Side de Chicago. Si le Blues n’a pas été son domaine de prédilection pendant longtemps, le garçon connait néanmoins bien le sujet, un de ses oncles batteur l’emmenait parfois au Theresa’s Lounge, célèbre club situé sur South Indiana. Adolescent, Toronzo a donc vu la fine fleur du Chicago Blues dans les multiples clubs de la ville. S’il avoue vénérer Buddy GUY, avec il s’est produit, le guitariste cite parmi ses influence les 3 KING, Albert COLLINS, JB HUTTO, Lil’ ED et HENDRIX.

Le guitariste a fait ses gammes comme accompagnateur pour Joanna Connors, L.V. Banks, Tommy McCracken et Wayne Baker Brooks, le rejeton de Lonnie Brooks ; on peut en déduire qu’il a débuté dans un univers assez énergique. Prenant conscience de ses possibilités, CANNON décide de voler de ses propres ailes en 2001. Prudent, le guitariste a toutefois gardé son job de chauffeur de bus. C’est dans son bus que le guitariste a commencé à écrire ses premiers textes, puisant dans les scènes de son décor quotidien des thèmes qu’il pouvait retranscrire en musique. Après deux autoproductions, le guitariste enregistre deux albums pour le label Delmark et devient l’une des nouvelles attractions du Chicago Blues, participant depuis 2011 à de nombreuses tournées européennes. Ceci risque néanmoins de changer quelque peu, Toronzo ayant changé de manager depuis peu, ses venues en France risquent fort de se restreindre comme peau de chagrin.

Auteur compositeur prolifique, le guitariste signe les onze titres de l’album, soit la totalité. Première constatation, hormis le bassiste Larry Williams (aucun lien avec le créateur de "Bony Moronie" ou de "Dizzy Miss Lizzy") The Cannonball Express (le groupe qui l’accompagne) a complètement changé, avec les arrivées de Brother John Kattke aux claviers, Pete Galanis (ancien de Howard & The White Boys), et du batteur Melvin Carlisle, tandis qu’une triplette de cuivres intervient sur deux morceaux. Seconde observation : il faudra plusieurs écoutes pour se diluer dans l’interprétation du guitariste. La faute à une production plus pesante que dans les précédents albums. Sans doute faut-il y voir la volonté de Bruce Iglauer patron du célèbre label de Chicago, qui aurait tendance à alourdir la sauce depuis une bonne dizaine d’années.

Alors, Toronzo CANNON ouvre le bal avec "The Pain Around Me" dans lequel il dépeint un environnement social géopolitique qu’il ne comprend plus. C’est vrai que les thèmes territoire de gang et ghetto n’ont rien d’enthousiasmant. Mais il n’y a pas que du noir dans le Blues, le registre peut aussi se prêter à des sujets plus gais comment en témoignent "Bad Contract" ou "Midlife Crisis" (traduisible par "crise de la quarantaine") gorgés d’humour. Le cuivré "Fine Seasoned Woman" s’annonce comme un shuffle, c’est simple et efficace. On appréciera également "Jealous Love", chanson dédiée à la gente féminine, les chœurs de Melon " Honeydew" Lewis relevant les propos du chanteur.

Si "Chickens Comin’ Home To Roost" débute brièvement sur des bases rurales, CANNON nous replonge derechef dans son univers, du Blues Urbain du West Side. "Strength To Survive" renvoie vers le répertoire de Son Seals. Toronzo a aussi beaucoup absorbé de Soul durant son adolescence, il lui reste manifestement quelques souvenirs, la preuve avec "When Will You Tell Him About Me", fortement influencé par Tyrone DAVIS et Al GREEN, qui apporte tendresse et douceur. Rappelons que la Windy City a connu de belles heures de gloire en matière de Soul avant l’arrivée du Disco. Contrairement à ce que pourrait laisser suggérer le titre, "Mrs. From Mississippi" est résolument ancré dans l’urbain avec une sonorité tirant vers Otis RUSH ou Son SEALS. Le dernier titre "I Am" s’inscrit dans une ligne plus mélodique et surtout plus Pop, la guitare acoustique de Pete Galanis tire les marrons du feu avec une légère touche d’Americana venant en contrepoint des solos lourds assénés par CANNON.

"The Chicago Way" surprend moins que les précédents opus du Sieur CANNON. L’ensemble paraît quelque peu surproduit et moins inventif. Mais le fait d’avoir vu ce bluesman sur scène en deux occasions n’est peut être pas étranger à ce ressenti.