Dege LEGG est un personnage haut en couleurs qui semble tout droit sorti d'un roman de Kerouac ou d'une légende folklorique américaine mêlant mythe et réalité. C'est un de ces musiciens errants, de ces vagabonds de la guitare, cheminant en dehors de tout circuit défini, de toute route déjà tracée et restant volontairement aux marges de l'industrie musicale.

Dege LEGG, ou BROTHER DEGE (prononcez « dije »), comme il se fait appeler lorsqu'il officie en solo, était resté un quasi-inconnu malgré la sortie de Folk Songs Of The American Longhair en 2010. C'était sans compter l'éclectisme musical du sieur Tarantino qui, après avoir entendu « Too Old To Die Young » à la radio, décida d'inclure la chanson dans la bande originale de son film Django Unchained. Il fit ainsi découvrir au grand public cet artiste hors normes, ainsi que le petit joyau méconnu qu'est Folk Songs Of The American Hair.

Enregistré dans le cabanon attenant à sa maison, Folk Songs est le testament de BROTHER DEGE à ses racines sudistes. Accompagné principalement de sa guitare et d'une grosse caisse pour le rythme, il fait revivre de sa voix rauque les légendes passées du swamp blues et de la country. Parfois, viennent s'ajouter quelques guitares électriques éthérées, mais globalement les arrangements restent très épurés, se concentrant sur les mélodies et le rythme donné par le bottleneck.

Dès les premières notes, nous voilà plongés dans l'ambiance du Bayou. Fermez les yeux, respirez la délicieuse odeur de vase fraîche, sentez cette chaleur moite et cette humidité lourde qui collent les vêtements à la peau. Les planches pourries d'un cabanon en bois gémissent sous vos pieds et au loin quelque oiseau invisible entonne un chant étrange. Dans le bourdonnement perpétuel des insectes et le doux bruissement de la mangrove, la guitare résonne et transperce l'air immobile.

L'album varie les ambiances, alternant morceaux rythmés (« Hard Row To Hoe », « Dead & Gone ») et titres plus calmes (« The Battle Of New Orleans », « To Fill A Hole »), voire atmosphériques (« Black Is The Night », « House Of The Dying Sun »). BROTHER DEGE excelle dans la confection de riffs entraînants et mémorables qui utilisent à merveille les possibilités du bottleneck. « Too Old To Die Young » respire l’urgence et le danger, ce n'est pas étonnant que Tarantino ait été séduit par ce titre à la fois moderne et old-school. On sent également quelques influences psychédéliques dans le solo et les percussions de « House Of The Dying Sun » par exemple. Certaines ballades accusent quelques moments de vide où la tension retombe un peu, mais dans l'ensemble on a affaire à un album cohérent et très réussi. Le résultat est d'autant plus impressionnant qu'il s'agit d'une œuvre entièrement personnelle car écrite, interprétée et produite par un seul homme : BROTHER DEGE, aède des temps modernes.