La pochette de ce quintet canadien parle d’elle-même. Elle nous renvoie vers certaines productions sixties des STONES ou des PRETTY THINGS. On saurait trouver plus mal comme références. S’articulant sur une base classique (une section rythmique, une guitare rythmique, un guitariste lead faisant également office d’organiste, et enfin un chanteur harmoniciste), The CHAINS proposent un répertoire conjuguant Garage, Rock et des saveurs Pop en droite ligne avec les KINGS ou de nos DOGS normands. La reprise de "Fortune Teller", hit mineur composé par Allen Toussaint pour Benny Spellman en mai 62, nous expédie vers d’anciennes covers (STONES, DOGS ou John Fred). L’esprit New Orleans du morceau prend ici une propension beaucoup plus Garage, à l’image de la version des DOGS.

La reprise de "Baby What You Want Me To Do", standard du bluesman Jimmy REED, s’oriente vers une combinaison BEATLES, KINGS ou Badfinger. L’orientation Pop demeure agréable, la ligne de basse bien ronde et le solo de guitare nous entraînent vers les Standells. Troisième et dernière reprise, "Nervous Breakdown", hit rattaché au répertoire d'Eddie COCHRAN, délivre une interprétation complètement décalée résolument ancrée dans un répertoire Power Pop. Les neuf compositions, toutes issues des plumes du chanteur harmoniciste Alexandre Boivin et du guitariste Sébastien Hould, s’inscrivent dans un registre où Garage et Power Pop se côtoient souvent pour le meilleur. "Her Name Is Love" propose une belle ligne mélodique entrecoupée par une guitare pleine de reverb.

Les canadiens ne restent pas figés les deux pieds dans le même sabot. "Loving Man" reste marqué par une surprenante influence Soul à l’image des productions du label Minit, tandis que la guitare s’échappe parfois vers une sonorité proche de celle de Tony Valentino (guitariste des Standells). Le phrasé d’harmonica sur "Disappearing Man" tient plus de DYLAN que de Big Walter HORTON, Little Walter, Billy Boy Arnold ou autres légendes de l’Harmonica Blues. L’opposition entre le tempo rock et l’harmonica décalé et presque hors de propos pourrait prêter à sourire, mais le contraste entre l’harmoniciste et son band est en fait une bonne trouvaille. Le titre pourrait très bien s’inscrire dans un album des Shadows Of Knight. Dernier point d’orgue, "Soulin’", un rock énergique à l’ascendance black, procure un magnétisme et un peps évident clôturant l’album.

Les douze titres de l’album ne s’éternisent pas, le plus long ne dépasse pas les 3 minutes 15, c’est dire que THE CHAINS vont à l’essentiel. Produit sans surenchère, cet album enregistré durant l’été 2002 au Mom& Pop’s Studio’s de Montréal mérite d’être découvert. Cette petite production passée totalement inaperçue (comme beaucoup d’autres) diffusait une curieuse fusion de Garage et de Power Pop bien plus captivante que la plupart des produits que l’industrie du disque essaie de nous refourguer à grands coups de slogans publicitaires ou de passages radiophoniques incessants. Cette formation canadienne semble avoir mis un terme à son aventure au bout de cet opus.