Pas besoin d’être grand clerc pour imaginer le registre dont il est question ici. Si le nom de l’interprète précédé du pseudo Cowboy ne vous met pas sur la piste, le veste de trappeur et le Stetson blanc devraient être des plus évocateurs. Encore un bon petit péquenot !

Oublié depuis des lustres et peu connu sur notre continent, le guitariste est le propriétaire d’une abondante discographie : on compte approximativement 55 albums (dont 16 de son vivant) et près d’une centaine de singles dont 38 King. En clair notre péquenot a enregistré suffisamment pour se remplir la panse. Explorons rapidement son parcours:
Issu d’une famille musicienne (ses parents animent des square-dances locaux) Estel Loyd Copas est originaire d’Oklahoma* où il voit le jour en 1913. Il apprend le violon mais bifurque rapidement vers la guitare. Dès 14 ans, il commence à se produire dans d’innombrables stations radio. Le gamin se produit sur scène avec Fred Evans & The Hen Cacklers String Band puis fait équipe avec Lester Vernon Storer, un violoniste indien. L’industrie radiophonique rebaptise le duo Natchee The Indian & Cowboy Copas. Bein oui, tout est bon pour appâter le chaland et vendre. En 1934, le guitariste se marie avec une belle jeune fille du Kentucky. En 1938, les chemins de notre cowboy et de l’indien prennent des routes divergentes et le guitariste fait équipe avec son frangin Marion. Cowboy Copas se produit sur les shows radiophoniques des grosses stations de Cincinnati, de Charleston et d’Huntington. Il a le vent en poupe, mais pas encore pour se faire un nom. Au début des années 40, il monte son propre groupe The Gold Star Rangers avant d’intégrer en 1943 The Golden West Cowboys, l’orchestre de Pee Wee King, remplaçant au chant Eddy Arnold. Ce n’est qu’à partir de 1945 que notre péquenot commence à enregistrer en vedette et sous son nom pour le label King. Le guitariste va alors enregistrer quelques bons petits succès pendant une dizaine d’années jusqu’à ce que la vague Rockabilly puis la nouvelle mode du Rock n Roll l’expédient aux oubliettes.
Ce n’est qu’à la fin des fifties, avec le regain du Nashville Sound, que notre guitariste va connaître une seconde carrière qui s’annoncera hélas très courte. Le guitariste se produit fréquemment et intègre les célèbres tournées groupées qui inondent les scènes country de l’époque, tournées qui sonneront bientôt sa perte. Le 5 mars 1963, Cowboy Copas est victime d’un accident d’avion avec Patsy CLINE et Hawshaw Hawkins. Le Piper Comanche dans lequel voyageaient les trois artistes se scratch avant d’avoir regagné Nashville.

Les albums King et Starday étant difficilement disponibles, souvent hors de prix et contenant un répertoire quelque peu désuet, cette compilation regroupe les titres les plus significatifs de Copas. Soyons honnêtes, un bon tiers des titres de Cowboy Copas sonnent un peu old school et sont désormais carrément « gnan gnan » ou mou du genou. Le label allemand Bear Family propose ici une intéressante compilation de 34 titres revisitant une période s’étalant de 1947 à 1963.
Bon chanteur, capable de s’illustrer dans le Hillbilly fifties, le Western Swing, le Honky Tonk, la ballade et des pièces plus énergiques, Cowboy Copas était aussi un honnête guitariste au phrasé sobre mais plein de rythmes. Le label allemand ne se contente pas de compiler ici les plus grands succès de l’artiste, à l’instar de labels sans idées qui juxtaposent les hits comme s’ils étalaient leur confiture sur une tartine, mais propose une sélection de titres plus rares, bien en phase avec la série « Gonna Shake This Shack Tonight ».
Cet éventail propose donc un peu de tout et met en avant l’éclectisme de Copas. Les amateurs de Western Swing se régaleront sur « Jamboree », « Crazy Over You » ou « How Much Do I Owe You ». Reconnu pour son chant poli en adéquation avec les programmes du Grand Ole Opry de l’Amérique bien-pensante, le guitariste calme le tempo sur diverses pièces Hillbilly fifties (« A Thousand Miles Of Ocean », « Blue Kimona », « Tragic Romance » ou « Are You Honest »). Le chanteur savait se faire tendre quand il le fallait, la preuve avec les ballades « I Can’t Stop Loving You » ou « My Little Wagon ». En bon représentant du Nashville Sound, Copas pouvait exceller sur des morceaux typiques au registre (« Below The Mason Dixon Line » ou « Faithful And True Love »).
Son chant doux et velouté pouvait faire merveille dans le domaine du Honky Tonk : « My Autobiography » et « South Pacific Shore » renvoient vers Johnny Horton. Mais c’est bel et bien dans le domaine du Hillbilly Rock que le bonhomme nous étonne le plus avec les cashiens « Alabam », son plus grand succès et « Settin’ Flat On Ready » ou « New Filipino Baby » une version moderne de son premier titre très proche de Guitar Boogie Smith.
Terminons ce panorama en fanfare avec « Circle Rock », un véritable Rock n Roll avec une partie de piano boogie dévastatrice de Moon Mullican, preuve que notre gentil petit péquenot pouvait durcir le tempo.
Cette compilation agrémentée d’un excellent livret intérieur (40 pages) bénéficie d’un excellent travail de dépoussiérage sonore et propose l’éventail parfait pour tout amateur de country fifties. On peut juste regretter que le compilateur n’ait pas placé « Tennessee Waltz », repris plus tard par Sam Cooke et futur hymne du Tennessee, ou « Cowboy’s Deck Of Cards », une spoken-song dans laquelle un cowboy lit la Bible en regardant ses cartes. Mais il n’y avait pas de quoi tout mettre, signalons justement que ce CD n’est pas lisible sur tous les lecteurs première génération (durée 85 minutes).

*Si la plupart des encyclopédies mentionnent comme lieu de naissance Muskogee, une bourgade de l’Oklahoma, il est possible que Cowboy Copas soit originaire de Blue Creek, un village de l’Ohio, tout aussi perdu que celui situé en Oklahoma. Farceur et parfois cachotier, Cowboy Copas n’a jamais aimé s’étendre sur sa vie privée et familiale.