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FOLK CELTIQUE  |  COMPILATION

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1995 Women Of Song

CELTIC VOICES - Women Of Song (1995)
Par AIGLE BLANC le 24 Juin 2016          Consultée 1173 fois

Attisée par le label Real World de Peter GABRIEL, une vague de World Music sans précédent envahit le monde occidental au milieu des années 90. L'Europe découvre les musiques du monde (Afrique, Inde, Norvège, Finlande, Bulgarie...).
Et la musique celtique profite, mieux que les autres, de cet engouement extraordinaire qui marque sans doute une évolution de nos sociétés ultra-civilisées. On commence à comprendre que le monde libéral se plante une épine dans le pied en s'ouvrant au marché mondial et en effaçant par la même occasion quasiment le particularisme de chaque nation et région.

Narada, célèbre label américain, symbolise la quintessence de cette ouverture aux musiques du monde et alimente son copieux catalogue en ouvrant son terrain d'élection au new age, au flamenco et au jazz. Mais, bien vite, ce qui fait son identité musicale devient aussi un marché fort lucratif qui, peu à peu, émousse l'authenticité de sa démarche fondatrice au profit d'une production musicale abâtardie, écueil qu'a su admirablement éviter le label de Peter GABRIEL.

Women of song s'inscrit dans la série "Narada Collection Series", l'un des nombreux sous-labels de Narada qui rassemble des enregistrements instrumentaux à majorité new age. Autrement dit, pour peu qu'on ne soit pas adepte de ce style de musique "de détente" ou "easy listening", on n'y risque pas de trouver beaucoup de grande musique. Sauf que ...

Sauf que Women of song, une fois n'est pas coutume, s'impose comme une compilation exemplaire que se doit de posséder tout amateur de musique celtique. Contrairement à l'écueil des compilations bon marché qui empilent les artistes jusqu'à l'indécence (il faut bien donner à manger au consommateur, non ?), cet album, lui, se concentre seulement sur quatre chanteuses méconnues et offre à chacune un espace d'expression suffisant pour permettre une réelle immersion de l'auditeur dans leurs univers respectifs. La démarche est généreuse, profondément humaine, d'autant que les artistes exposées ici déploient un art vocal absolument divin.

Pour pleinement apprécier cette compilation, il est conseillé de lire l'article, présent dans le livret, que lui a consacré le critique américain Earle Hitchner. En effet, il y rappelle fort à propos que la voix, le plus ancien instrument de musique, avant la harpe, avant la flûte, avant le violon, a de tous temps accompagné l'homme dans ses prières les plus ferventes, la voix maternelle apaisant les larmes du nouveau né, les murmures enflammés que s'échangent les amoureux ou le cri exalté des guerriers avant la bataille.
L'Irlande insuffle à la tradition vocale une vibration à nulle autre pareille, peut-être parce qu'y brûle plus qu'ailleurs la trame ancestrale des histoires les plus profondes où les drames populaires côtoient la poétique magie des créatures folkloriques, banshees et autres "femmes-phoques", autant de légendes et de faits historiques qui dialectisent l'imaginaire et la réalité. Pour bien comprendre l'Irlande, il ne faut jamais oublier cette réalité magique, authentique pulsation d'une terre des origines résolument réfractaire à toute tentative de colonisation. L'essence de ce disque est donc véhiculée par le chant, tradition dans laquelle l'Irlande est passée maître.

Women of song consacre à ses quatre artistes un petit quart d'heure, à raison de 3 ou 4 chansons chacune. Mary McLaughlin, Connie Dover, Mairéid Sullivan et Emma Christian, telles qu'elles apparaissent à tour de rôle, portent haut le flambeau du chant féminin irlandais. Leurs voix se caractérisent principalement par la pureté de leur timbre. A ce titre, elles ne diffèrent pas fondamentalement les unes des autres, reliées qu'elles sont par un style de chant qui ignore superbement la virtuosité, mais que transcende une exceptionnelle sensibilité. Ces chanteuses, qui ne font pourtant pas étalage d'une technique éblouissante, atteignent une rare limpidité dans la modulation de leurs inflexions vocales.

Mary McLAUGHLIN insuffle dans sa musique deux courants qui ont marqué l'un son enfance (les chants d'église en Latin) l'autre ses années d'études quand elle découvrit les "Sean-nos" (chansons traditionnelles interprétées en Gaélique a cappella). Démonstration en est donnée dans sa sublime "Sealwoman", personnage imaginaire inspiré de la légende celtique des Selkies (les femmes-phoques). L'osmose entre le chant mystique de Mary et un choeur féminin dont l'ampleur ne cesse de croître jusqu'à atteindre une rare intensité incantatoire trouve un accomplissement qui touche à la perfection. Incontestablement, le pic émotionnel de la livraison. "You Saw His Eyes" est une composition personnelle qui brille là encore par la belle polyphonie des voix entremêlées. Mary y chante l'amour dont l'absence la hante chaque matin.

Connie DOVER est née dans l'Arkansas et élevée dans le Missouri. Éprise dès son jeune âge par les musiques traditionnelles celtiques au point d'aller les étudier à l'université d'Oxford, elle chante d'une voix particulièrement vibrante, de celles capables de transformer n'importe quel colosse en un nourrisson désarmé. Les quatre chansons qu'elle interprète révèlent son incroyable habileté tant dans la composition ("Cantus", "The Wishing Well", "In Aimsir Bhaint An Fheir") que dans les arrangements d'airs traditionnels ("Siuil A Ruin").
A ce titre, "Cantus", qui mixe un traditionnel de Noël en Latin et une composition personnelle, constitue l'un des plus beaux moments du disque. Elle y souffle la naissance et la passion du Christ ainsi que la dévotion de sa mère Marie. Ce chant d'une douceur et d'une tendresse rares vibre d'une beauté qui s'imprime à vie dans l'âme de l'auditeur. Une pure merveille ! Son interprétation de la célèbre "Siul A Ruin", où s'épanche la profonde complainte d'une femme amoureuse d'un homme parti en France après l'invasion finale en 1691 des armées catholiques, se hisse sans difficulté parmi les plus poignantes du genre.

Mairéid SULLIVAN, née à Cork mais citoyenne australienne depuis l'âge de 20 ans où elle a colporté ses racines celtes, chante d'une voix douce et sans apprêt, avec une grande pureté de forme. Il lui suffit de poser sa voix pour conférer à ses compositions personnelles comme à ses reprises d'airs traditionnels une authenticité prégnante. Sa version de "She Moved Through The Fair" trouve la juste distance entre la voix du narrateur, qui conte sobrement l'histoire poignante d'un amour dévasté par la mort, et l'émotion du personnage que terrasse le vide laissé par celle qui est partie. Une réussite.

Emma CHRISTIAN, originaire de l'Isle of Man, est l'une des ambassadrices les plus actives du Gaélique Manx, dialecte local de son île. "Ushag Veg Ruy" ("Little Red Bird") est la première chanson qu'elle se rappelle avoir chantée. Il s'agit d'une comptine Manx très populaire dans laquelle un oiseau cherche désespérément un endroit hospitalier pour dormir. L'interprétation qu'elle en livre charme par sa souplesse qui épouse la fragilité de l'oiseau. "Oikan Ayns Bethlehem" ("Birth In Bethlehem"), poème religieux de la culture Manx, célèbre la nativité. Sa mélodie, littéralement transcendée par une voix recueillie d'une infinie délicatesse, compte parmi ce que j'ai entendu de plus beau dans le chant féminin. Autre traditionnel, "O Kirree T'ou Goll Dy Faagail Mee" ("O Kirre, Thou Wilt Leave Me"), seul instrumental de la sélection, démontre quant à elle l'habileté d'Emma CHRISTIAN à la flûte à bec (recorder). "Arrane Oie Vie" ("The Goodnight Song") conclut idéalement le disque et confirme le talent hors norme de la chanteuse dans l'interprétation des comptines.

La toile de beauté et d'harmonie que tissent les quatre chanteuses sème chez l'auditeur un océan de tendresse et de pureté comme on a rarement l'occasion d'en goûter.

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   AIGLE BLANC

 
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- Mary Mclaughlin (chant et chœur)
- Mike Cosgrave (claviers, piano)
- Christine Kydd (chœur)
- Margareth Horton (chœur)
- Christy Mcguigan : (guitare acoustique)
- Steafan Hannigan (percussions, cornemuse irlandaise)
- Larry Nugent (flûte irlandaise)
- Sean Cleland (violon)
- Connie Dover (chant)
- Phil Cunningham (claviers, flûte irlandaise, accordéon)
- Manus Lunny (bouzouki)
- Christy O'leary (cornemuse irlandaise)
- Aly Bain (violon)
- Neil Hay (basse fretless)
- Maired Sullivan (chant)
- John Norton (bouzouki, dobro)
- Matthew Arnold (violon)
- Steve Wilson (guitare rythmique, e'bow)
- Peter Neville (vibraphone, percussions)
- Kavisha Mazzella (harmonies vocales)
- Emma Christian (chant, harpe, flûte à bec)
- Steve Coren (synthétiseur)


- mary Mc Laughlin
1. Sealwoman/yundah
2. Bring The Peace
3. You Saw His Eyes

- connie Dover
1. Cantus
2. The Wishing Well
3. In Aimsir Bhaint An Fhéir
4. Siuil A Ruin

- maired Sullivan
1. Colour Me
2. She Moved Through The Fair
3. Waly Waly

- emma Christian
1. Ushag Veg Ruy (little Red Bird)
2. Oikan Ayns Bethlehem (birth In Bethlehem)
3. O Kirree, T'ou Goll Dy Faagail Mee
4. Arrane Oie Vie (the Goodnight Song)



             



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