Jérome Reuter a fêté comme il se doit le dixième anniversaire de son projet ROME en 2015, avec une tournée en Europe et aux USA ainsi qu'une anthologie regroupant 20 titres de sa déjà longue discographie. Mais 2016 n'est pas en reste car elle célèbre les 10 ans du premier disque de ROME, l'EP Berlin. Depuis Berlin, beaucoup de disques sont parus, tous de très bonne facture jusqu'au monumental A Passage to Rhodesia (2014), au point de faire de ROME le meilleur groupe du style néo-folk actuel. D'autant plus que Jérôme Reuter a su faire évoluer ce style sans trahir l'expérimentation originelle, mais en mettant de côté la provocation de ses fondateurs (DEATH IN JUNE en tête).
Et voilà que le mini album Coriolan débarque. Première surprise de taille, Jérôme Reuter s'affiche clairement sur la pochette, posant sur ce qui ressemble à un cimetière allemand du Chemin des Dames. C'est la première fois que Reuters dévoile qu'il est sa créature, ROME. Est-ce le signe d'un changement ? D'un passage à une nouvelle décennie ?

Pourtant la musique reste la même, à une ou deux exception près. Coriolan (nom d'un politicien légendaire de la... Rome antique) réussit à résumer la carrière de Jérôme Reuter en seulement 25 minutes. On retrouve les ambiances martiales des débuts, époque Nera et Confession d'un Voleur d’âme, où Reuter chante d'une voix souvent plus grave et menaçante, en particulier avec le sublime "Broken", terriblement efficace, sombre et épique à la fois. Cette chanson est à classer parmi les meilleures de ROME, sans hésiter. L'ambient mêlé d'expérimentations industrielles est toujours en bonne place, introduisant et clôturant l'album tout en grandiloquence. Le superbe mais très court "Make You a Sword of Me" fait office de très bonne intro à "Broken".

La deuxième partie du disque est plus apaisée et acoustique. Les échos de guitares de "This Light Shall Undress All" sont particulièrement déchirants et nous laissent à terre quand arrive le monumental "Coriolan" qui commence comme une ballade folk avant de se transformer en un titre majestueux digne d'un film à gros budget (un péplum, cela va sans dire).

S'il faut chercher des nouveautés dans les styles, il faut voir du côté de "Fragments", chanson davantage dans l'esprit Punk qu'autre chose. On sent que Jérôme Reuter s'éclate, ce qui est rarissime pour un mec qui n'a jamais souri une seule fois de sa vie sur les photos. Quand à "Der Krieg", elle est intégralement chantée en Allemand. En général, l'Allemand sert pour les samples de très nombreux titres de ROME, mais cette fois, le Luxembourgeois se lance dans la langue de Goethe. Et je défie quiconque ose dire, en écoutant ce titre, que l'Allemand est une langue moche et agressive !

Coriolan est un disque charnière: il rassemble les différentes facettes de ce que ROME a créé en dix ans, tout en apportant quelques nouveautés. Et comme souvent avec les EP de ROME, Coriolan annonce le nouvel album à venir, The Hyperion Machine. Mais en attendant, je recommande chaudement Coriolan, aussi bien pour les fans du groupe que pour les novices, car il s'agit là de la meilleure entrée en matière dans cette discographie déjà très riche d'une formation au talent exceptionnel et encore trop méconnu !

A écouter absolument:
"Make You a Sword of Me" + "Broken", "Coriolan"