Il y a, dans la vie de certains groupes, des secrets bien gardés. Ce n'est certainement pas le cas de Flat Out, unique oeuvre publiée par Donald Roeser alias Buck DHARMA, sous son propre nom. Pour les profanes (mais les autres aiment s'en rappeler !), sachez que ce petit bonhomme épatant s'est imposé depuis une bonne dizaine d'années comme l'un des plus grands guitaristes du rock au sein du génial BLUE ÖYSTER CULT.

Notre ami prend sa guitare, son perfecto et s'en va faire un tour en bagnole, laissant ses vieux compagnons Eric Bloom, Allen Lanier et les frères Bouchard au studio, dans les bras d'une groupie ou au bar. L'année précédente, ils ont quand même pondu Fire of the Unknown Origin... Mais Buckie a de la suite dans les idées, et ce disque, Flat Out, est autant réussi que varié.

Evidemment, pour ne point trop déstabiliser les fans, hard-rockeurs ou non, il faut une transition, et ça s'appelle "Born to Rock". Né pour le rock, une profession de foi ? Assurément ! Si dans ce genre de moments, la voix de notre ami s'apprécie toujours moins pour sa puissance que par la sympathie qu'elle suscite, côté guitare il n'y a rien à redire, c'est un festival ! Il faut d'ailleurs voir le clip bien marrant où Oncle Donald l'utilise comme une mitraillette. Lui aussi a envie de suivre la mode Mad Max à sa façon : quelques mots au début du clip, grosso-modo "après la Grande Guerre Finale, l'anarchie régnait sur Terre mais il n'y avait plus de rock"... Toujours kitsch mais bien fendard !

Avec les synthés, la rythmique et les choeurs vigoureux, "Born to Rock" est un lien direct avec la musique de BLUE ÖYSTER CULT, entre le hard-rock et l'imaginaire science-fiction. Pour le reste, Flat Out est un album calme de préférence, et Donald "Buck" se rattrape largement par rapport au niveau moyen de ses compositions sur l'autre album précédent du groupe, Mirrors (1979).

Les titres pop-rock tels "All Tied Up", le boogie "Five Thirty-Five", et "That Summer Night" sont de bonne facture, la guitare prend le pas sur les synthés, et le guitariste peut s'exprimer librement. Alors que la basse et la batterie sont tenues par des musiciens différents (entre autres Neal Smith et Dennis Dunaway, membres originels d'ALICE COOPER), il y a des choeurs féminins très bienvenus sur ces titres, et la compagne de Roeser, Sandy, y contribue. On notera d'ailleurs le final rêveur, "Come Softly to Me", reprise d'une très grande classe... Le soleil se couche sur les plages de la côte ouest, par quelque soirée enchantée et romantique, façon Erwin.

Les ballades baignent dans l'océan Pacifique, plus ou moins sereinement, à l'image de "Cold Wind", au refrain très doux et envoûtant. De la même manière, il y a l'arpège de guitare acoustique lancinant et les choeurs aériens de "Your Loving Heart" qui se fait plus narratif néanmoins. Tout comme pour "Born to Rock", Buck DHARMA se pose en acteur, mari ou fiancé modèle qui est victime d'un accident d'un voiture et que sa femme sauve en lui donnant son coeur, au prix de son propre sacrifice. La mélodie est jolie est touchante, comme l'histoire qui est contée, alors que la partie centrale se veut plus noire et oppressante (la greffe à l'hôpital). Il sait nous (sur)prendre, le petit bonhomme...

Parmi les autres morceaux proposés, on trouve encore des moments plutôt intéressants comme le jazzy "Wind Weather and Storm", qui contient des arrangements de cuivres et saxos. La contrebasse est employée judicieusement, tout comme l'est la guitare ailleurs. Sur les chansons rock, Donald Buck nous rappelle qu'il est un maître du hammer, sans point trop en faire.

En soulignant humblement ses mélodies chantées, il surclasse beaucoup de ses confrères et dans tous les cas, il signe un disque très intéressant. Une oeuvre de chanteur qui n'en est pas un, de pilier d'un groupe mythique, un musicien bourré de talent, tout simplement. Même l'instrumental "Anwar's Theme", récréation pour guitariste, s'écoute agréablement et sans avoir la sensation d'une démonstration de virtuosité pure (contrairement au titre bonus de l'édition CD, "Gamera is Missing", un autre instru bon mais pas indispensable). Le son y est un brin haché, la batterie surtout, mais qu'importe.

Pas de gros single à la "Burnin' for You", mais de très bonnes choses et de la diversité. Ce "debut LP"/premier album solo, Flat Out, attend toujours sa suite actuellement peut-être, mais en a-t-il vraiment besoin ?