Une taupe, un cochon, un lapin, une grenouille, mais aussi un canard, un éléphant bleu, une chauve-souris, et j'en passe. Les membres de PUPPETMASTAZ ont en commun une incroyable laideur, et un air halluciné. Et si je commence par parler de leur physique, ce qui ne m'est je pense jamais arrivé au cours d'une chronique, c'est parce-qu'ils le mettent en avant. Après tout, ce sont des marionnettes. Jim Henson, le créateur du Muppet Show, doit s'en retourner dans sa tombe à chaque nouvel album.

Les PUPPETMASTAZ sont laids, mais ils ont des revendications. Un temps, ils ont pensé contrôler la terre (il est probable qu'ils viennent de l'espace, mais les interviews des membres du groupe donnent des versions de leurs origines différentes à chaque fois). La maturité aidant, les illusions se sont dissipées, mis ils restent idéalistes et veulent désormais voir un monde dans lequel nous pourrions tous vivre en harmonie : les marionnettes, les humains, les animaux, les meubles. Voilà un projet qui force le respect et ne peut qu'attirer les curieux.

C'est du rap, de l'électro. C'est allemand. C'est très drôle. Les marionnettes assurent le spectacle, et perpétuent une certaine tradition dans la musique, celle qui consiste à jouer masqué, ou représenté par des artefacts. Leur démarche est proche de GORILLAZ, par exemple. On pense aussi aux RESIDENTS, avec lesquels PUPPETMASTAZ a plus d'un point commun. La mise en scène, mais aussi la musique : électro minimaliste, voix stupides. Mais alors que les RESIDENTS ont un côté parfois grinçant (ils ont tout de même osé publier un "Third Reich 'n 'roll"), PUPPETMASTAZ fait feu de tout bois et avance frontalement sur les routes de la crétinerie. Plus c'est énorme, mieux c'est. Cela n'empêche pas la bonne musique : ils pastichent, mais n'ironisent pas. Les beats sont dépouillés mais énormes, et feraient parfaitement l'affaire d'un rappeur se prenant au sérieux, ce qui est malheureusement la règle.

Cet album fait du bien. Ce n'est peut-être pas le meilleur de ce drôle de collectif, mais leur démarche est si salutaire ! Il y aurait même des tubes potentiels, si les radios qui diffusent du rap étaient sensibles à l'humour. "Silver Chrome", par exemple, pourrait fonctionner en discothèque. Quitte à se trémousser stupidement, faisons-le en connivence avec les musiciens ! Soyons crétins, à l'instar du "Disco Boy" de Frank ZAPPA. Remuons les fesses sur des rythmes robotiques dont la stupidité est assumée, revendiquée même. Rejoignons le monde merveilleux des nains poilus sur "Ewok On The Phone", avec son sample de musique souffie qui nous fera tourner jusqu'au bout de la nuit. Agitons nos têtes chevelues sur "Rock". Goûtons la délicieuse fatuité de "One In na Billion", passage obligé de tout album de rap, celui où l'on chante à la terre entière que l'on est le meilleur du monde. Du monde du rap, bien sûr.

Il y a donc un peu de tout chez PUPPETMASTAZ. Le fait que je considère cet album comme moins bon que les autres ne provient au fond que d'un phénomène : je les écoute depuis longtemps, et il s'agit déjà de leur sixième album. Même si tout est impeccable, on ne peut s'empêcher d'avoir une certaine impression de déjà entendu.

Une précision peut-être ? J'écoute fort peu de rap. Pas sûr donc que ce disque plaise aux aficionados du genre. En revanche, pour toute personne curieuse et aimant les groupes en marge, c'est à essayer d'urgence.