Ah, les GO-GO's ! Le girl-band/groupe de musiciennes pop-rock né dans le sillage des RUNAWAYS entre autres. Toute une époque... THE BELLE STARS, THE ORCHIDS... Parfois le groupe est partiellement masculin, comme dans MARTHA AND THE MUFFINS, les B-52's... Ce que l'on retient surtout, c'est une libération des jeunes femmes, liée à la révolution sexuelle et qui viennent dire "Les gars, on peut faire aussi bien que vous ! Même mieux !". Chacun dira ou non si c'est vrai, mais quoi qu'il en soit, les RUNAWAYS n'étaient clairement pas un simple coup de pub flamboyant.

Les GO-GO's ne le sont certainement pas davantage... C'est surtout qu'à côté des fugueuses lâchées par Kim Fowley, les cinq filles elles aussi originaires de Los Angeles semblent presque sages, modèles à première vue. Il s'en passe des choses en trois ans ! En 1978, elles s'appellent The Misfits et jouent du punk. Jane Wiedlin rencontre Belinda Carlisle qui a occupé temporairement le poste de batteuse au sein du groupe THE GERMS, sous le nom Dottie Danger, jusqu'à ce qu'elle contracte une mononucléose. Charlotte Caffey arrive un peu plus tard dans l'année.

Les deux autres membres, Elissa Bello et Margot Olvarria, sont remplacées dans les mois qui suivent, respectivement par Gina Schock et Kathy Valentine. Olvarria est encore présente lorsque ces fous joyeux de MADNESS emploient les GO-GO's comme première partie de leur tournée 1980. Elle est touchée par l'hépatite A (la maladie est présente régulièrement chez ces jeunes filles-là) et n'aime pas l'orientation pop que le groupe prend alors. D'où l'arrivée de Kathy Valentine, ex-GIRLSCHOOL, guitariste qui n'a jamais tenu une basse auparavant.

On peut donc parler des GO-GO's dans leur configuration classique, et d'un album remarquable, le leur. À un ou deux crédits supplémentaires près et hormis la présence de Richard Gotteher à la production (il s'est chargé du premier BLONDIE), les filles ont tout écrit elles-mêmes, comme des grandes. L'apport créatif vient en très grande partie des deux guitaristes, Jane Wiedlin et Charlotte Caffey. Gina Schock n'écrit rien, Kathy Valentine une seule chanson ("Can't Stop the World") et pour une fois, la chanteuse, Belinda Carlisle en l'occurrence, n'écrit pas ses textes, à l'exception de "Skidmarks on My Heart".

Rien qu'en voyant la pochette et le titre, on a envie de dire que cet album est bon. Les cinq filles sont photographiées dans un sauna au recto, et au verso, dans une baignoire bien remplie. On se demande comment l'Amérique puritaine a-t-elle pu ne pas se sentir choquée en voyant Kathy Valentine laisser un téton s'échapper de la mousse, pendant qu'elle se sert plusieurs verres de champagne, tout sourire coquin ! Elles adorent le champagne, ces filles-là. On y reviendra...

Les cinq rockeuses sont comme ça, elles paraissent légères et frivoles, mais elles se donnent à fond pour que ça marche, et effectivement ça marche. J'ai personnellement une préférence pour Charlotte Caffey, la blonde discrète qui balance des riffs furieux sur sa Telecaster et joue aussi des claviers, qui peut jeter aussi des mots très secs et directs comme sur "Fading Fast", adressée à un ex. La formule se situe au croisement du post-punk encore en vogue et de la teenage pop la plus efficace, héritée des sixties, avec des éléments de surf-music et des arpèges brillants à la BYRDS. Parlons de rock alternatif, de R.E.M. et des 10,000 MANIACS qui ne vont plus tarder à débarquer...

C'est Jane Wiedlin, la punkette brune aux cheveux courts, qui fournit la trame d'"Our Lips are Sealed", inspiré par sa rupture avec Terry Hall (THE SPECIALS) et lui-même lui a soufflé quelques mots, d'où sa signature dans les crédits. C'est frais, ça balance bien tout ça, le clip est marrant ! Belinda Carlisle a tout de la chanteuse sixties dans le timbre approximatif, l'attitude et le look (une jeune blonde bien portante qui plait facilement aux hommes !). Jane et sa petite voix fluette se réservent le pont, autrement elles préfèrent suivre Belinda, et Charlotte aussi.

Contrairement à d'autres disques du même genre, Beauty and the Beat n'est pas d'une homogénéité frustrante, le premier titre n'est pas l'arbre qui cache la forêt. L'énergie de "Tonite", héritée du punk et du rock'n'roll, on la retrouve sur "Can't Stop the World" et "We Got the Beat", l'autre tube. Les tempi rhythm'n'blues de "How Much More" et "Skidmarks on My Heart" montrent que Gina Schock, la batteuse et troisième blonde, a plus d'un tour dans son sac. Quant à Kathy Valentine, l'autre brune au look de sorcière, pour une non-bassiste elle s'en tire à merveille. L'ambiance d'"Automatic", plus lente, est incroyable et montre une autre facette du talent de Jane Wiedlin. Les filles dédient encore "This Town" à leur ville natale, la Cité des Anges.

Beauty and the Beat, rempli de tubes et de bonnes chansons, reste au hit-parade tout le restant de l'année 1981. On le considère à la fois comme un des meilleurs premiers albums et un coup d'éclat venant d'un groupe entièrement féminin, déjà d'un très bon niveau. Bien joué mesdemoiselles !

La réédition des 30 ans est à posséder, avec un disque supplémentaire qui contient un concert de l'époque, donné à Boston. THE GO-GO's y jouent leur album en entier, ainsi que des faces B (un excellent medley instrumental, très surf-music), un tube en avant-première ("Vacation") et des reprises des CAPITOLS, SHANGRI-LAS, Wanda JACKSON... Belinda Carlisle passe un temps pour la reine du rockabilly et Gina Schock est déchaînée tout le long.