Oyez ! Oyez braves gens ! Ou plutôt : Oh yeah ! Steven Tyler vient de publier son TOUT premier opus en solo ! Incredible but true. Sacré Steven. Oui « sacré ». Steven est un dieu, alors on baisse un peu les yeux. Merci. Non mais matez-moi cette couv’, quelle dégaine ! Mon sang n’a fait qu’un tour en découvrant la galette, c’est pourquoi j’ai décidé de m’adresser directement dans cette Kro à l’accompagnateur de nombreux de mes émois :

Cher Steven,
« TU » es la classe personnifiée (on dit « tu » à un dieu, c’est comme ça). Chez moi, on adore ta dégaine de pirate que Corabi et Johnny Depp t’ont piquée à toi, plus qu’à Keith Richards. Même s'il ne fait aucun doute que Keith est un authentique modèle pour boucanier*. Et puis écoutez-moi cette putain de voix ! Avec laquelle seule celle d’Axl Rose (ton héritier putatif en un seul mot, j'insiste sur ce point) peut prétendre rivaliser. Steven, un mot de toi et nous, tes fidèles affidés, nous rassemblerons en la taverne mal famée de ton choix, afin de boire tes paroles. Tout en sachant que certaines de tes potions nous ont causé bien des déboires. Comme avec l’abominable « I Don’t Want To Miss A Thing » que tu avais dévalisée chez tata Céline**, une multinationale responsable de mixtures bien trop sirupeuses. À cause de toi, on a choppé des caries et depuis, on a perdu la moitié de nos dents. Bon côté de l’affaire, maintenant on affiche une gueule de pirate crédible. Mais, par pitié : NE NOUS REFAIS PLUS JAMAIS ÇA !!!

Comme tu bourlingues un peu partout, tu as fait appel à tout un tas de producteurs et associés de circonstance pour mettre en boîte ton album. L’enregistrement s’est étalé sur les ans de grâce 2015 et 2016. Plus qu’un disque, c’est un carnet intime que tu nous offres. Un looooong carnet, presqu’une saga, où tu vas même jusqu’à remonter le temps – en fin de parcours - avec une (crépusculaire) relecture de « Janie’s Got A Gun » et une reprise (lumineuse) de « Piece Of My Heart » de la grande Janis. D’elle, tu as appris cette étrange façon de miauler comme une panthère en rut. N’importe quel gus serait ridicule en s’y adonnant. Pas toi. La classe, toujours la classe.

Alors, tu en as croisé « des » qui auraient voulu se payer ta tête, tu as expérimenté les pires substances, tu as parfois flirté (et même davantage) avec la compromission, tu es même allé jusqu’à désespérer un paquet de fans. Aujourd’hui, tu n’accuses personne. Ton pire ennemi, c’est toi-même. Tu le sais et l’annonces d’entrée avec « My Own Worst Enemy ». Tu es un des dieux les plus cool du circuit, un des plus drôles (avec Alice), l’autodérision ne t’effraie pas, c’est même un de tes carburants les plus sûrs, on l’entend dans « The Good, The Bad, The Ugly & Me ». De même, tu ne prends personne de haut car comme tu le précises : « We’re All Somebody From Somwhere ». C’est ce ton si naturel que je vénère en toi.

Tu es un voyageur qui sait l’importance cruciale de bien connaître ses racines. Tu aimes les arbres plus que tout. D’où ton goût pour les promenades en forêt ? Leur côté bucolique ? C’est donc en "ballades" que tu te ressources avant d’affronter le monde du business : « It Ain’t Easy » (bien), « Gypsy Girl » (pas trop mal), « Only Heaven » (bof, bof, bof), « What Am I Doin’ Right ? » (du Tyler classique, pas plus, mais pas moins non plus) et bien entendu la toujours venimeuse « Janie’s Got A Gun », qu’on ne présente plus. Pourquoi en avoir proposé une nouvelle mouture ? Était-ce indispensable ? Bah… On ne s’en plaindra pas trop car tu excelles sur ce titre. En plus, tu as l’élégance d’y insérer un joli clin d’œil sur le passage instrumental***. Aucun doute sur ta générosité, mais voilà, cela étire le disque. On n’évite pas le remplissage, outre certaines ballades donc, on passera vite fait sur « Red, White & You », un des singles. Steven, ferais-tu exprès de balancer sur les ondes un des titres parmi les moins intéressants de ton album ?

Pourtant, on passe de vrais bons moments en ta compagnie, les deux premières plages du skeud sont excellentes. Les deux dernières également. « Hold On (Won’t Let Go) » est un filler crédible, ça part bien ton histoire, on ne peut dire que tu t'es fichu de nous. Plus loin, « Love Is Your Name » (autre single) se laisse apprivoiser aisément. On navigue dans un style country-rock classieux, parfois on pense aux opus récents de Robert « Percy » Plant, dont tu es un émule. Il y a même des trucs bien réjouissants comme « I Make My Own Sunshine », « Somebody New » ou « Sweet Louisiana », tellement représentatifs de ce que tu es, de ta capacité à pondre de vraies bonnes chansons, avec leur dimensions autobiographiques, quasi philosophiques aussi.

Mais bon : cinquante quatre minutes, ce n’est pas très raisonnable pour un album de rock, tu en conviendras mon cher Steven. On s'y perd un peu, on décroche de temps en temps. Tu t’en fous, si tu avais été raisonnable, tu ne serais jamais devenu ce que tu es alors nous serions tous passé à côté d’un phénomène. Il nous faut prendre les gens comme ils sont, dans leur entièreté, avec leurs qualités et leurs déviances, c’est la leçon que tu nous as toujours enseignée. We’re all somebody from somewhere. Comme tu dis.
Ne change rien Steven. Finalement.
Peace.
And Love.
LJS

* Un boucanier est un pirate spécialisé pour faire du boucan, donc
** Cette chanson était destinée à Céline Dion, mais où était passé René ce jour là ??
*** La mélodie de guitare fait surgir Eleanor Rigby hors de sa tombe