Milla JOVOVICH, on l'aime ou pas, mais certains aspects de sa carrière professionnelle sont respectables, à commencer par ses débuts en trombe et des réussites qu'elle ne doit pas qu'à son joli minois. Encore prépubère, la petite Milica Jovović, Serbe par son père et Russe par sa mère, née en 1975 en Ukraine mais installée en Californie, démarre une carrière de mannequin et se fait largement remarquer. Sa carrière audio-visuelle n'est point trop tardive non plus, avec deux apparitions dans des séries TV majeures (Mariés, Deux Enfants et l'épisode pilote de Parker Lewis).

Quelques rôles au cinéma, À Fleur de Peau de Zalman King en 88, Retour au Lagon Bleu de William A. Graham (1991, en lieu et place de la non moins pétillante Brooke Shields). Elle soutient brièvement Robert Downey Junior dans le Chaplin de Richard Attenborough en 92, et le "feel-good movie" Dazed and Confused / Génération Rebelle (Richard Linklater, 1993) la montre promenant son dos lunaire admirable dans un pantalon pattes d'eph au milieu d'autres lycéennes et jeunes fêtards américains au début des vacances d'été.

C'est l'époque charmante et pleine d'innocence de Milla -qui n'a toujours pas 20 ans-, avant toute la grosse machinerie, plus ou moins divertissante mais qui lui vaudra le succès international ainsi que des avis plus contrastés : Le Cinquième Elément de Luc Besson (qui se sépare de Maïwenn pour elle) en 97 et Jeanne d'Arc en 99, la série des Resident Evil à partir de 2001. Et surtout, durant une période de trois ans hors des écrans, Milla JOVOVICH franchit le même pas que beaucoup d'autres acteurs avant elle, rarement aussi bien.

The Divine Comedy, son premier album en tant que chanteuse et paru en 1994, figure parmi les réussites mentionnées au début de la chronique, un beau témoignage de son talent. En même temps, ce n'est peut-être pas original de citer Kate BUSH et, dans une moindre mesure, Sarah McLACHLAN parmi ses influences principales, mais ça ouvre de belles voies, surtout quand on a une belle voix soi-même. Un timbre clair, vraiment agréable et sans être exceptionnel -l'originalité, principalement, est de découvrir une autre facette de l'artiste-, mais qui fait diablement penser à Tori AMOS et ne peut trahir un accent étranger.

Milla JOVOVICH, de par ses origines, transpire l'Europe de l'Est. On le ressent sur des morceaux comme "Don't Fade Away", aux tons orientaux envoûtants, et bien sûr "In a Glade" où la belle chante une complainte ukrainienne, dans sa langue natale et sur un fond mystique. Néanmoins, elle en surprendra plus d'un avec son immersion dans l'Europe de l'Ouest, la pop anglaise et des terres plus celtiques, merci Kate divine. La fusion des cultures relie les points cardinaux, et lorsqu'elles sont sur des modes similaires, les mélodies voient leurs origines confondues. Sauf en cas de spécificité claire ("In a Glade", précisément), ce qui est celtique peut bien rappeler ce qui se fait en Ukraine, jusque dans les rythmiques et le jeu des violons.

Ces chansons dont les influences vont de la folk music aux COCTEAU TWINS, Milla JOVOVICH les a écrites à quinze ans. Elle insiste sur le caractère il est vrai très personnel de l'ensemble, là où la maison de disques SBK se contentait d'afficher un album pop et grand public. La production est ample, riche en instruments et sent bon les années 90. Il faut dire qu'aux manettes, en collaboration avec Richard Feldman (co-auteur de certaines chansons, tout comme l'Australien Mark Holden), c'est maître Rupert Hine, dont on n'exposera pas le long pédigrée ici.

JOVOVICH écrit aussi en fonction de ses lectures philosophiques et de son amour pour la poésie, jusque dans le titre et le choix de la pochette. Le premier morceau, "The Alien Song" emprunte directement à Dante et son Inferno. Ce n'est donc pas un album ordinaire de jeune femme à peine sortie de l'enfance. De plus, pour son single "Gentlemen Who Fell" (chant et ambiance aériens et fortement séduisants), le seul clip de l'album a été tourné deux fois. Malgré l'effort de Lisa Bonet et la présence de l'immense Harry Dean Stanton pour la première version, Milla JOVOVICH se met mieux en valeur que sur l'album dans la deuxième et parvient à renforcer la beauté d'ensemble.

On reconnaît la patte d'Eric Bazilian sur ce titre (l'année suivante, il lance Joan OSBORNE). Les musiciens employés ne manquent pas de classe, Martha Davis (des MOTELS), Larry Klein, Paul Buckmaster (arrangeur d'Elton JOHN), master Rupert Hine lui-même et le tandem Phil Palmer (guitare) / Geoffrey Richardson (flûtes, mandoline), amis et accompagnateurs de Murray HEAD. D'où la couleur très folk de ce disque avenant et empreint de rêverie pop avec programmations bien dosées.

Une réalisation splendide qui ne verra pas de suite en physique (en 1998, le disque "live" folk-électro People Tree Sessions sera retiré de la vente). Milla JOVOVICH propose sa musique en téléchargement libre via son propre site, désormais. The Divine Comedy n'obtient qu'un succès critique et, s'il aurait sans doute mérité davantage, demeure un secret bien gardé de la décennie 90.