Après un succès commercial aussi éclatant que Smash, il était difficile pour les Offspring de lui fournir un successeur digne de ce nom. Après trois ans, c’est à Ixnay on the Hombre qu’incombe donc la lourde tâche de réitérer si possible le coup de brio du précédent album. Qu’on ne s’y trompe pas, il y parviendra partiellement, mais Smash restera, sans doute encore jusqu’à aujourd’hui, et probablement pour les siècles à venir, le disque phare du groupe.
La recette ne change pas foncièrement, la production devenant peut-être plus propre et les titres moins grunge. On retrouvera d’ailleurs disséminés ici ou là des gimmicks manifestement empruntés ou inspirés de Smash : en témoigne par exemple le titre « Pick It Up » qui fait écho au ska peinard de « What Happened to You », la présence d’une intro, les riffs un zeste orientalisants et la grosse voix de « Mota » qui lorgnent du côté de « Come Out and Play », le riff du titre « Change the World » qui reprend l’un de ceux de « Genocide », etc.

Cela dit, il ne faudrait pas se méprendre : Ixnay reste un bon album, comme nous en convainquent d’emblée les deux morceaux qui font l’ouverture, de très haute volée dans le genre punk-rock-prends-toi-ça-dans-la-tête, « Meaning of Life » avec ses riffs incisifs et « Mota » doté d’une rythmique bien appuyée et d’une intro accrocheuse, batterie en éclaireur, vite rejointe par les guitares grondantes. On se laissera encore convaincre par l’énergie juvénile d’un « Cool to Hate », vouée à recueillir l’agrément de la caste collégienne avec ses paroles revendicatrices (« I hate teacher, I hate school »)... Amusant d’ailleurs de constater qu’en vingt ans, on est passé d’un « Dieu Sauve la Reine » subversif, à base de dynamite, à un « J’aime Pas l’Ecole » avec des crocs en mousse. Mais peu importe, il s’agit d’un morceau convaincant, bien agressif, rythmé et marrant.
Le problème, c’est que, contrairement à Smash, certains morceaux paraissent superflus et l’on se surprend à s’ennuyer quelque peu. C’est le cas notamment au coeur de l’album avec les redondants « Gone Away », qui pourtant, au tempo plus nuancé, aurait pu accrocher avec un meilleur refrain, et surtout « I Choose », qui nous mène laborieusement jusqu’à l’entracte, « Intermission », qui survient donc à point nommé. Parmi les morceaux qui me laissent froid, je citerai également « Me and my Old Lady », à la couleur orientale cependant travaillée, et l’inutile « Amazed ».
Enfin bon, « Don’t Pick It Up » demeure très sympa, « Way Down The Line» et «Change The World» se laissent goûter. Et il reste encore à évoquer le petit brûlot de l’album, le meilleur pour la fin donc, « All I Want », 1 minute 40 montre en main, concentré de punk très mélodique, d’une efficacité redoutable avec son duo de voix, son refrain imparable et son rythme effréné qui tuent sa mémé avec une truelle à piston. Pour émettre une confidence, il s’agit du morceau du groupe que je préfère, tous albums confondus. Du tout bon !

Bref voilà, Ixnay on the Hombre est un bon album, avec son lot de tubes, connaissant quelques baisses de régime aussi parfois. Il ne réédita pas à l’époque la réussite commerciale de « Smash » (contrairement au suivant et plus pop « Americana »), mais les aficionados du groupe lui consentirent un succès d’estime, me semble-t-il assez mérité. On pouvait craindre que le groupe ne se mette un peu à tourner à vide, mais il possède encore de l’inventivité à revendre. Pas de quoi crier à la trahison, en tout cas.