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PJ HARVEY - The Hope Six Demolition Project (2016)
Par SEIJITSU le 27 Novembre 2016          Consultée 3806 fois

La différence entre un bon et un mauvais singer/songwriter, c’est que le bon écrit des chansons tandis que le mauvais écrit des textes.

Voilà qui pourrait résumer parfaitement cette catégorie à part (mieux connue sur nos terres sous le terme "d’auteur / compositeur") qui prend déjà trop de place dans la chanson Française. Mais comme notre langue est plus littéraire que musicale, on pourrait légitimement penser que les Anglais, les créateurs de la pop pour rappel, ne sont pas concernés par ce gros problème. Et pourtant…
DYLAN, COHEN, NICK CAVE, LOU REED… Il n’y a pas besoin de chercher très loin pour tomber sur des individus, reconnus dans les cercles de mélomanes (!), frôlant ou plongeant avec excès dans l’escroquerie. Le mot peut sembler fort. Cependant, n’est-ce pas contradictoire de privilégier les textes à la musique ? Un bon morceau n’a pas besoin de bonnes paroles. Alors que l’inverse est impossible.

PJ HARVEY a néanmoins des allures d’exception, notamment dans sa discographie des années 1990. Déjà, elle faisait du rock, du vrai. Pas de la pop ou du folk, mais du rock crade, pas commode et donc spontané. Ce détail en appelle un autre : ses compositions étaient sombres et habitées. Polly en avait gros sur la patate et même quand elle prenait un ton plus théâtral (comme sur To Bring You My Love), ce n’était jamais exagéré ou affecté.
Enfin, et c’est le point le plus important, elle savait écrire de très bonnes chansons. C’est-à-dire mémorables et accrocheuses. Pas uniquement des textes qu’on plaque sur des instrumentaux pour en faire vaguement de la musique. Non, des chansons.

Seulement, il s’est passé beaucoup de choses depuis le début des années 2000. Un virage variété au succès critique incompréhensible. Un retour aux sources aussi honnête qu’un album récent de METALLICA. Puis une réinvention inespérée en prêtresse d’un folk tour à tour sombre, lumineux et revendicatif.
Même si l’énergie de ses racines a toujours manqué à ce second souffle, on était heureux de retrouver Polly Jean en forme et pleine de surprises après une traversée du désert de plusieurs années. Ces surprises, on les a acceptées malgré des défauts bien de notre époque et plus particulièrement de l’indie pop rock. Cette mollesse pénible, ce côté propret, ce manque d’énergie et ces manières qui ne sont pas suffisamment kitsch pour amuser car très prises aux sérieux par leurs auteurs (ce qui est bien pire).

Nonobstant ça, on a été nombreux à aimer Let England Shake parce qu’il recelait des chansons de qualité. Certaines étaient tellement remarquables qu’elles en occultaient tout ce qui aurait été ridicule dans un autre contexte (les voix haut perchées, les arrangements précieux…).
C’est pour cette raison que The Hope Six Demolition Project est particulièrement raté. Polly a juste légèrement changé la forme de son discours (moins éthéré et plus brut donc plus rock), si bien qu’on pourrait presque le considérer comme une véritable suite au très apprécié opus de 2011. Toujours est-il que cela amène trois défauts majeurs.

Premier problème : les idées nouvelles sont autant casse-gueule sur le papier que dans la réalité. Prenons les exemples les plus évidents, « The Ministry of Social Affairs » et « Dollar, Dollar » puisque ces titres tentent une excursion dans le jazz. Hélas, on tombe sur ce que le style a pu faire de plus démonstratif et de convenu. Ouch.

Deuxième problème : ce qui était déjà dans Let England Shake se retrouve ici dans une version affadie ou ridicule. Quand les arrangements sont réussis, les chansons sont mauvaises telles que « The Orange Monkey », « The Community of Hope », dont le refrain réussit à être aussi niais que ses paroles qui sont du même niveau que le fameux « la guerre c’est pas bien », ou encore « Near the Memorials to Vietnam and Lincoln » (couplets excellents et inquiétants, chœurs abominables).
Quand les morceaux sont plutôt bons, c’est les idées d’arrangements qui sont grotesques. « The Ministry of Defence » reste le plus beau gâchis de la carrière de PJ et représente le défaut récurent de ce disque : les chœurs. Envahissants et lourdauds, ils sont le gros boulet de The Hope Six Demolition Project. Toujours là pour souligner des paroles loin d’être fines et dont le manque d’émotion est inexcusable.

Enfin, dernier problème : la musique est souvent lisse en dépit de ses idées audacieuses (ce clavier presque noisy sur « Near The Memorials To Vietnam And Lincoln »). Un parti-pris gentillet, qui ne faisait déjà pas que des heureux sur Let England Shake, et qui entre en contraction avec cette tentative de la rendre plus brute qu’auparavant.

Heureusement, une réussite surnage au-dessus de ce ratage : « The Wheel ». Seul titre entraînant car disposant enfin d’une énergie qui manque tant à cet album protestataire. En effet, il s’agit une nouvelle fois de protest songs dont on cherche encore la pertinence.
Si l’intégrité de l’Anglaise peut sembler discutable pour ceux qui cherchent la petite bête, il est inutile de critiquer cette démarche consistant à dénoncer les injustices quand on possède une situation confortable comme la sienne. Quand ce qui sort de tes enceintes est aussi mauvais, tout l’extra-musical (et par extension les textes) autour n’a absolument aucun intérêt mise à part de faire beau sur Wikipédia. Polly s’étant perdue dans un méli-mélo d’idées vu et revu sans y avoir injecté le talent et l’âme nécessaires pour le transcender.

The Hope Six Demolition Project confirme néanmoins que PJ HARVEY reste le genre d’artiste qui a besoin de sortir radicalement de sa zone de confort pour toucher ses auditeurs. Puisque le plus grave, ça reste que cette musique insipide n’évoque rien. Que ce soit la mélancolie et l’introspection de ses précédentes œuvres ou la violence et la noirceur de ses débuts, il n’y a rien d’autre qu’un fond moralisateur nous rendant indifférent. Ce qui est la pire chose qui puisse arriver à un disque censé être politique.

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   SEIJITSU

 
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- Pj Harvey (chant, guitare, saxophone ténor, saxophone alto, v)
- John Parish (chœurs, guitare, percussion, claviers, variophon, )
- Mick Harvey (chœurs, percussion, moog taurus, guitare slide, cl)
- Jean-marc Butty (chœurs, percussion)


1. The Community Of Hope
2. The Ministry Of Defence
3. A Line In The Sand
4. Chain Of Keys
5. River Anacostia
6. Near The Memorials To Vietnam And Lincoln
7. The Orange Monkey
8. Medicinals
9. The Ministry Of Social Affairs
10. The Wheel
11. Dollar, Dollar



             



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