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PJ HARVEY - To Bring You My Love (1995)
Par SADISTICKILLER le 23 Octobre 2008          Consultée 5399 fois

Cette putain de nouvelle fatidique venait de tomber sur nos gueules ébahies. On était en 93, et on venait d’apprendre que le trio de PJ Harvey n’existait plus. Après la claque de Rid Of Me, on avait placé énormément d’espoirs dans ce jeune groupe ultra-prometteur, et le jour s’annonçait funeste, jusqu’à ce qu’on nous rassure en nous disant que ce n’était pas la fin de tout, vu qu’elle continuerait quand même sans eux. C’était une consolation, mais on se doutait bien que le son de PJ Harvey ne serait plus le même, et il nous restait en bouche un petit goût de déception amère : « ils vont nous manquer.... ». Enfin, ça c’était jusqu’à ce qu’on entende To Bring You My Love, et qu’on comprenne : « Putain PJ, t’as bien fait de virer ces deux connards qui étouffaient ta créativité ! ». Et le pire, c’est que c’est effectivement pour ça qu’elle l’a fait. Explications : la Miss était coincée avec un bassiste et un batteur, du coup chaque morceau qu’elle écrivait devait contenir des partitions de basse et de batterie qui plaisent à ses potes, pour ne pas les laisser sur la touche. Et, à force de se sentir oppressée par cette rigidité dans les construction de ses compos, elle a fini par tout faire péter. Pour avoir de la liberté, exactement.
Et cette liberté, elle la met à profit, en se permettant des folies, en étant seule responsable de la direction musicale à prendre, en mettant les instruments qu’elle veut là où elle le veut. Elle paye, ils sont payés, elle ordonne et ils ne posent pas de questions. La dictature musicale peut en faire flipper certains, n’empêche qu’avec PJ Harvey au pouvoir, ça a tendance à donner plutôt d’excellents résultats…
Alors, To Bring You My Love c’est quoi ? C’est une virée glauque et obscure dans un territoire étranger, dans lequel on ne se sent pas forcément le bienvenu. PJ est maintenant totalement sortie de l’adolescence, et sa musique s’en ressent. En même temps que ses zicos, elle a viré ses gros riffs bourrins qui lorgnaient parfois vers le grunge pour nous emmener dans un trip qui joue plus sur les atmosphères et les ambiances, où toute la rage, la haine et la violence exprimées sont contenues, retenues dans un espace intérieur bouillonnant dont le chant grave et nerveux de la maîtresse des lieux ne laisse entrevoir qu’une partie du potentiel dévastateur. Même sur Long Snake Moan, qui fait pourtant office de titre le plus explosif de l’album, on sent, et ce en grande partie grâce à la production (production de Steve Albini qui, soit dit en passant, est tout simplement bandante), une tension sous-jacente, un trop-plein à peine contrôlé, mais qui n’est pas relâché pour autant ; autrefois PJ Harvey donnait tout ce qu’elle avait, tout le temps, et jusqu’à saturation, aujourd’hui elle a compris que le véritable puissance réside dans l’intimidation. Et c’est ça qui fait la force de cet album.

En tout et pour tout, elle ne nous laissera reprendre notre souffle qu’à deux reprises durant cette plongée dans les profondeurs obscures de son cœur de femme maltraitée par l’amour. Deux titres en acoustique, deux grandes bouffées d’air frais dans un univers qui nous tient à bout de souffle. De C’mon Billy et de Send His Love To Me, on retiendra (n’en déplaise à son interprète) une troublante forme de sensualité, et un putain de sens de la mélodie acoustique, domaine dans lequel elle ne s’était jusque là pas encore pleinement révélée.
En cherchant bien, on pouvait aussi trouver d’autres rayons de lumière dans les envolées lyriques de Teclo ou de The Dancer (un des meilleurs titres), mais ils se retrouvent complètement occultés par Down By The Water (pour tout ceux qui se demandaient quand j’allais y venir…). Down By The Water. Le single de l’album. Ou plutôt l’anti-single, si on prend un peu de recul. Des paroles invoquant l’infanticide, la noyade et la prostitution, des chœurs fantomatiques qui font froid dans le dos et cet ensemble de cordes qui fout la chair de poule… Down By The Water est un chef d’œuvre, mais, comme étant le titre le plus sombre de l’album, il n’était pas forcément le plus accessible.
Encore que, dans le domaine de l’inaccessible, Working For The Man et I Think I’m A Mother remportent la palme. Easy-listeners, foutez le camp. Ados à la recherche d’identité, foutez le camp. Amateurs de NRJ (mais qu’est-ce que vous foutez ici, au juste ?) foutez le camp. Pour tous ceux qui sont encore là, dites-vous bien que To Bring You My Love est un album dont on ne pénètre pas l’intimité comme ça, en une écoute. C’est un album dense, avec son lot d’aspérités et recoins à explorer. Il faut une écoute pour l’aborder, puis une autre pour s’en approcher, puis encore un bon paquet avant de pouvoir l’apprécier pour ce qu’il vaut vraiment. Et comptez-en trois fois plus pour comprendre les derniers morceaux cités. Facile.
Une fois qu’on a fini par comprendre de quoi il en retournait, on se sent une sorte de privilège. Celui qu’on a sur ceux qui ne se sont pas donnés la peine de l’écouter plus d’une fois. On sait ce que vaut To Bring You My Love. Et on sait que c’est lui, le diamant de la carrière de PJ Harvey. Un diamant noir, qui n’étincelle que sous un angle bien particulier, mais qui alors brille d’un éclat sans pareil.

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   SADISTICKILLER

 
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- Pj Harvey (chant, guitare, orgue, orge hammond, piano, vibrap)
- John Parish (guitare, percussions, batterie, orgue)
- Joe Gore (guitare)
- Mick Harvey (basse, orgue hammond)
- Jean-marc Butty (batterie)
- Joe Dilworth (batterie)


1. To Bring You My Love
2. Meet Ze Monsta
3. Working For The Man
4. C'mon Billy
5. Teclo
6. Long Snake Moan
7. Down By The Water
8. I Think I'm A Mother
9. Send His Love To Me
10. The Dancer



             



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