Encore un groupe peu connu et à la discographie des plus minces. Formation originaire d’Oklahoma, NO LARGE TRUCKS se monte en 1967 à l’instigation de J. Martin « Moby » Anderson et Pat Graham, deux anciens membres des Folkmen, devenu Williams And The Tellers. Ancien guitariste recyclé dans les claviers, Pat fait appel à son frangin Mike pour se charger du micro. Les trois musiciens sont bientôt rejoints par le guitariste Glenn Townsend (ex Ram Rods et Standing Room Only) et le batteur Danny Corner. Le quintet tourne alors en Californie où le groupe est signé par la Columbia.
Au moment de rentrer en session pour mettre en boîte leur premier single, Danny Corner se fait la malle et le groupe doit engager dans l’urgence un nouveau batteur. Ce sera Willie Daffern qui vient de quitter Hunger, un groupe de Garage Psyché qui vient de splitter. Batteur éphémère des Standells sous le nom de Willie Dee, Daffern était à la recherche d’un groupe après avoir œuvré avec Larry Tamblyn au sein de Chakras, autre groupe disparu aussi rapidement qu’une comète.
Suite au départ de leur premier batteur, « Moby » Anderson propose que le groupe change de nom en supprimant le C de Trucks. La Columbia donne aussitôt son accord.

« Truk Tracks » est mis en boîte au bout de deux sessions, au printemps et en été 70. Columbia décide d’annuler la sortie du single et confie la première séance à Sonny Knight, un chanteur afro-américain, compositeur-producteur-auteur de quelques singles pour Specialty, Dot, Aladdin et Aura Records. La seconde session est dirigée par le batteur Dewey Martin qui vient d’enregistrer une poignée de singles pour Uni Records au sein de Medecine Ball. Martin n’est pas totalement inconnu, il a fait ses gammes comme producteur pour East West Pipeline, Buffalo Springfield et vient de produire la bande son du film « Angels Die Hard » (« Les Anges Nus »), un nanar de Richard Compton avec RG Armstrong, Tom Baker. Le groupe est donc placé dans les mains de deux pieds-tendres pour une raison essentiellement budgétaire, Columbia ne croyant guère au groupe.
Au cours des mois précédents, Truk a beaucoup tourné sur les scènes californiennes et a donc rôdé un répertoire résolument ancré dans le Hard Rock Psyché, registre plus que tendance à l’époque. Hormis « Yellow Cab Man », une composition d’Adrian Curtis (alias Adrian Guvirtz) alors membre de la formation britannique Gun, le disque n’est constitué que d’originaux. Il est du reste étonnant que TRUK ait opté pour une reprise d’un titre obscur d’un groupe anglais peu connu aux States au détriment d’une formation californienne. Ce morceau sera également repris par le groupe allemand The Rattles. Au niveau de l’écriture, ce sont principalement Glenn Townsend et Pat Graham qui sont les principaux pourvoyeurs du groupe. Mais à l’écoute des différentes pistes, on ressent un travail d’équipe.

Le répertoire nous expédie donc vers un mélange de « Gros Sons Seventies », de Hard Rock et de Rock parsemé de petites touches Acid. Le titre d’ouverture « Country Woman » nous renvoie à Guess Who et Brave Belt (futur Bachman Turner Overdrise), l’orgue en plus. Le phrasé de guitare lorgne sur celui de Randy Bachman et le chant s’annonce déclamatoire. La référence avec BTO parait encore plus évidente sur « Got To Find Reason », un solide Heavy Rock marqué par un gros break de gratte, tandis que la section rythmique ne cesse de relancer le chant, la guitare et l’orgue. Petit moment d’accalmie avec « Pretty Lady » une ballade mid tempo à tendance psyché dans laquelle la guitare et le chant endossent les premiers rôles. Mais Truk reste avant tout un groupe qui a envie d’en découdre, « Winter’s Coming On » s’inscrit lui aussi dans une ambiance lourde rappelant encore une fois BTO. Gros riffs de guitare avec reverb tout juste atténué par la présence de l’orgue.
Le mid tempo « Sun Castle Magic » reste marqué par les claviers qui apportent des zestes psyché, tandis que « Yellow Cab Man » débouche sur une atmosphère beaucoup plus Prog. La formation tempère encore une fois ses ardeurs avec « You », une ballade californienne à la mélodie raffinée. Les amateurs de grosses lignes de basse et de gros son devraient être comblés avec « Silence Ending » dans la droite ligne de BTO ou du futur Captain Beyond. L’album s’achève sur un Heavy Rock de bonne facture avec « Max » un morceau où la ligne de basse évoque encore l’univers de BTO, tandis que Willie Daffern laisse partir ses baguettes.

« Truk Tracks » représente la quintessence des formations Heavy du tout début des seventies. Un manque de promotion, Columbia ne jugeant bon d’éditer le moindre single et des désaccords avec le label concernant la production confiée à Sonny Knight auront raison de cette petite troupe d’artisans. En janvier 1971, le groupe est dissous après avoir honoré une série de concerts sur toute la Côte Ouest des States.

Dernier élément à propos de la pochette, si vous vous demandez pourquoi on voit les musiciens devant un braséro, c’est parce que la photo a été prise lors d’une grève des routiers californiens bloquant les axes de Los Angeles, mais nos cinq musiciens sont bonne garde avec la présence d’une voiture de patrouille du LAPD. L’album est sorti dans les bacs alors que le groupe avait été dissous.

*Le batteur Willie Daffern rejoindra plus tard Captain Beyond lors de sa seconde reformation. Glenn Townsend officia brièvement auprès de Johnny Rivers mais se retira du chemin des studios afin de se consacrer à sa famille. Il a repris la musique au milieu des années 80 au sein du Glenn Townsend Band, un groupe de Blues. Mike Graham est devenu producteur pour une compagnie de télévision hollywoodienne tandis que son frère et chanteur a rencontré la foi en devenant pasteur. « Moby » Anderson s’est recyclé comme vendeur pour une raffinerie d’huile mais l’ancien contrebassiste n'a cessé de jouer au sein de divers groupes de Bluesgrass et de Country Gospel parmi lesquels The Rural Americans (en compagnie de son épouse), Black Mountain Boys, Prairie Fire et A Grain Of Salt.