RUINS est un groupe fondé en 1985, au Japon. On dit groupe par commodité puisqu’il s’agit d’un duo formé par son leader/batteur/chanteur, Yoshida TATSUYA, avec différents bassistes au fil du temps. S’il y aura également pas mal de collaborations avec d’autres musiciens par la suite, RUINS reste une sorte de Power Duo, en somme, mais très éloigné des BLACK KEYS. Un Power Duo dont la puissance reste inégalée à mes oreilles. On n’est pas complètement le même avant et après avoir écouté RUINS. Au mieux, on a très mal au crâne, au pire, on est conquis ! Et l’on pénètre alors dans un univers musical incroyable qui vous rend accroc et dont le principal défaut est de rendre tiède à peu près tout ce qui vous plaisait dans le rock hargneux auparavant.

Il y a du punk là-dedans, du hardcore et du métal, mais une des influences principales est ailleurs : le Zeuhl de MAGMA. Yoshida TATSUYA a en effet plus d’un point commun avec Christian VANDER : tous deux, batteurs hors-norme, construisent une musique complexe, notamment sur le plan rythmique, et chantent dans leur propre langage, même si TATSUYA n’a pas forcément développé tout un univers cosmo(comico?)-mystique autour de son œuvre. Ce qui les distingue clairement, en revanche, c’est que là où Christian VANDER bâtit des fresques dans la durée, prenant le temps de construire ses morceaux par l’ajout de différentes strates et cellules sonores, RUINS rentre directement dans le vif du sujet. On entend donc – étrangement – une musique rappelant certains élans du rock progressif, mais totalement débarrassée de ses longueurs. RUINS, adepte de la synthèse, bastonne et invente une musique complexe mais brutale, se méfiant de tout raffinement sonore. Il y a pourtant une vraie subtilité, mais elle n’est pas dans le son du groupe, plutôt dans la construction des morceaux, ce qui ne se discerne qu’après plusieurs écoutes attentives, c’est-à-dire passée la première impression que l’on ne sortira pas vivant du déluge sonore. Il est évident que John ZORN, qui a vécu au Japon, a écouté RUINS avant de créer NAKED CITY. Il en retiendra l’idée de balancer des morceaux à toute blinde, et d’une durée inhabituellement courte.

1986-1992 est une compilation des premiers disques de RUINS, très difficiles à trouver aujourd’hui. La qualité sonore inégale aurait mérité d’être retravaillée. La compilation en elle-même pose également question. Si les morceaux, pris un à un, sont tous formidables, écouter le disque d’un bout à l’autre peut s’avérer difficile. Car RUINS, c’est tout de même effrayant. Même si je suis de ceux qui pensent qu’écouter de la musique ne doit pas nécessairement être synonyme de plaisir simple, ou de détente, écouter ce combo plus d’une heure, cela vous éreinte ! L’idéal est donc de débiter l’album en tranches. Conseil contraire à l’orthodoxie de ce site, peut-être, mais il ne s’agit pas non plus d’un disque ordinaire.

Excellent aperçu de ce que fût RUINS à cette époque, à la fois brillant et roboratif, ce disque fait partie de ceux dont l’identité est si marquée qu’ils divisent le monde en deux catégories : les pour, les contre. Lecteur, dans quel camp es-tu ?