Les fans de Robert WYATT reprocheraient facilement à des ignares dans mon genre de ne parler que de Rock Bottom (dans sa carrière solo bien sûr), et ils auraient sûrement raison. Néanmoins, des disques comme Rock Bottom, on en rencontre peu dans sa vie, et à chaque fois on se dit que l'on ne sera dorénavant plus tout à fait la même personne.

Rock Bottom parait en 1974. Ses chansons ont été enregistrées avant le terrible accident de WYATT, mais tout comme mon très estimé collègue Oncle Viande, je pense qu'il en est empreint avec un caractère tout aussi définitif. Il prend le temps d'installer ses ambiances dans la première face, et l'on se laisse submerger par ces sonorités de claviers, peu conformes à l'usage qu'en faisaient les autres progueux de l'époque. Jusqu'au milieu du disque où les trompettes en pagaille instaurent un climat grinçant. Les idées foisonnent, se heurtent comme sans doute celles du cerveau de WYATT à son réveil à l'hôpital. A ce moment-là et pour le restant de sa vie, il a sa femme-trésor Alfreda, à qui il dédie la suite "Alifib/Alife", d'abord lancinante puis déchirante, avec la participation du musicien de free-jazz Gary Windo. Quand je vous disais qu'on n'est plus vraiment le même après avoir écouté cet album, c'est que cette suite en particulier est pour le moins déstabilisante la première fois. La fin de l'album est partagée entre un côté progressif presque classique (Mike Oldfield aux guitares) et une conclusion très folk british, traité façon WYATT bien entendu.

Pur diamant noir, Rock Bottom est un disque considérablement riche, ce qui parait évident la première fois, contrairement à sa beauté intrinsèque. Comme beaucoup de disques, je lui ai porté une admiration polie la première fois, avant de vraiment y adhérer personnellement, même si j'avoue humblement que son éclatement de sentiments façon expressionnisme musical me séduit moins que d'autres peintures plus harmonieuses.