Cette kro-express était à l'origine la chronique principale avant d'être réécrite par RAMON PEREZ

Neuvième album des Têtes Raides, Fragile part sur une bonne base : un retour au rock, voire punk, de leurs débuts. Le live 28.05.04 annonçait un peu ce retour aux sources par une présence importante de guitares branchées. Malheureusement, ce dernier cru s'avère un peu décevant et pas à la hauteur de nos attentes et des précédents albums.
Réalisé par Denis Barthe (batteur de Noir Désir), Fragile n'a pas le son Têtes Raides qu'on avait l'habitude d'entendre ces dernières années (dans les albums Gratte Poil et Qu'est-ce Qu'on S'fait Chier!) et devient un peu plus plat, voire banal...
En parcourant l'album, deux types de morceaux s'ouvrent à nous, ceux plutôt chouettes qui respirent la sueur du groupe et la plume de Christian et les autres, qui ressemblent plus à des blagues qu'à autre chose.
L'ambiance mise par le retour aux guitares et à l'esprit punk est marquée par des morceaux comme "Latuvu" ou "De Kracht". Ces deux morceaux sont un bon bordel de voix, de cuivres et de guitares rappelant que la voix de Christian se mêle parfaitement à tous les accents, des chants de sirène de Jasmine Vegas aux hurlements de Didier Wampas, et que l'anglais n'a jamais vraiment quitté le groupe ("De Kracht" en duo avec le groupe néerlandais The Ex).
Suivent les morceaux que l'on peut qualifier de "beaux", qui sont tatoués "Têtes Raides" sur les fesses et qui font plaisir à entendre. Je parle notamment de "Je voudrais pas crever", "Le Raccourci" et "Lové-moi". Le premier est un poème de Boris Vian qui avait déjà été repris il y a quelques années par Eiffel sur l'album Abricotine. L'interprétation des Têtes Raides est radicalement différente, et profondément plus juste. "Le Raccourci" et "Lové-moi" seraient à classer auprès des titres marquants du groupe, dotés tous deux d'un souffle dramatique propre à tous leurs excellents morceaux et d'une personnalité musicale reconnaissable parmi cent.

Malheureusement, l'écoute agréable de l'album s'arrête à ces titres, les autres sont comme le titre de l'album, fragiles. Des textes faits de bric et de broc mais notamment de phrases toutes faites ("Constipé"), un anglais punk qui se veut parodique et drôle mais qui devient ridicule et lourd ("We Gonna Love Me"), une adaptation plate et ennuyeuse d'un texte de Joyce Mansour ("Chanson pour pieds") et, pour clore le tout, la chanson la plus laide de la discographie des Têtes Raides, j'ai nommé "Les animaux". Un discours écolo pathétique vraiment décevant qui en arrive même à faire mal au coeur.
Et puis il y a les morceaux qui laissent indifférent, auxquels il manque un petit quelque chose pour que ce soit de beaux titres : "Fragile", le single de l'album, qui a un bon fond mais qui ne se trouve pas réellement, et "L'oraison" sur lequel Romain Humeau a posé ses arrangements cordes comme il l'avait fait pour Noir Désir.

Pour couronner le tout, le livret de l'album (toujours conçu par Les Chats Pelés) est décevant et peu original… Après 20 ans d’existence et un parcours quasi sans faute, Têtes Raides livrent ici un album tristement fragile qui, avec un peu d'humour noir, ressemble à un album concept sur la fragilité d'un groupe et de sa création.