"Wish You" ... Quel album problématique que celui-là.
Ce qui est sûr, c'est que lorsque du haut de ses seize ans, gavé de metal du matin au soir, on reçoit comme une mandale invisible (pour ne pas dire existentielle) les premières notes de "Shine On You Crazy Diamond" : le monde vous apparaît subitement comme différent. L'opus aux deux hommes à la poigne incendiaire a servi de porte d'entrée à votre serviteur vers l'univers du FLOYD. En ce sens, je ne peux pas être assassin envers lui. C'est un bel album. Hipgnosis est déchaîné. L'ensemble respire le professionnalisme ...
Mais une fois l'effet de surprise envolé, l'essence maladive et mélancolique atténuée par des écoutes soutenues et une production qui se révèle bien trop transparente (on regrette Alan Parson) : l'ennui se manifeste. Une première dans la discographie du quatuor ("Obscured By Clouds" n'était pas avant-gardiste, loin de là, mais jouissait au moins d'une production vivante). Ici, il est clair que le traumatisme induit par le come-back surprise d'un Syd irrécupérable fut digne d'un deuil. "Wish You Were Here" est une œuvre distante, presque robotique et distillant un spleen qui oscille entre le tire larmes et le superficiel. Le FLOYD perd pied. Bien des idées présentes ici ne sont que des copies désincarnées de ses exploits passés. Après tout, Roger avait déclaré le groupe moribond à l'issue de "Dark Side". Et si David aime tant ce cru 75, ce n'est pas un hasard. "Wish You" est la matrice de sa période à la tête du processus créatif. Des nappes de synthétiseurs soignées mais prévisibles et vouées à occuper tout l'espace via un onirisme facile, une guitare qui décoche ses notes telles des gouttes de pluie que l'on voit arriver à des kilomètres, une approche qui met de côté le cérébral au profit de pseudo concepts accessibles ou sans prétention. Tout "A Momentary Lapse Of Reason", "The Division Bell" et "The Endless River" répond déjà présent.
Je retiens finalement la première partie de "Shine On", le morceau éponyme (bien qu'en termes de sensibilité folkisante il soit très inférieur à "A Pillow Of Winds") ainsi que la toute dernière phase de "Shine On partie 2" qui aurait très bien pu s'intégrer à sa grande sœur une fois le saxophone de Dick Parry évaporé. "Welcome To The Machine" est insupportable. "Have A Cigar" est une mauvaise blague. J'ajoute que je n'aime pas particulièrement le son global des claviers sur cet opus, peu planants, limites poisseux. À se demander si Richard n'a pas été remplacé par un Vangelis déjà noyé dans le magma synthétique imbuvable de "Blade Runner". Ce sera donc la moyenne pour cet opus "culte". Le préféré des vrais fans à en croire certains scribouillards ...
Pour un FLOYD cold mais bien plus satisfaisant à défaut d'être impeccable : direction 1977.