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- Style : Monkey3, Deconstruction, The United States Of America , Eloy, Mostly Autumn
- Membre : Rick Wright , Syd Barrett , Roger Waters , David Gilmour
- Style + Membre : Nick Mason

PINK FLOYD - Wish You Were Here (1975)
Par RAMON PEREZ le 28 Novembre 2021          Consultée 4249 fois

Comme David Gilmour et Rick Wright, j’ai tendance à penser que Wish You Were Here est le meilleur album de PINK FLOYD. C’est sans doute parce que c’est avec lui que j’ai vraiment compris sa musique. J’avais entendu les tubes, peut-être aussi un ou deux autres albums. Mais quand j’ai fait tourner ce vinyle, une autre planète m’est apparue. Une révélation comme j’en ai rarement connu. Pourquoi ce disque, particulièrement son début, m’a-t-il à ce point parlé ? C’est difficile d’en être certain. Mais je sais qu’il m’est arrivé de me passer en boucle ces quasiment neuf minutes d’intro, tant je les trouve parfaites. Peut-être parce qu’elles sentent l’artisanat, avec cet incroyable son de claviers, fruit d’un travail d’assemblage minutieux fait à la main. Plus largement, tous les instruments sont d’une clarté et d’une précision sans égales, avec un touché incroyablement pur. Surtout, il se passe quelque chose dans ces neuf minutes que je n’ai que très rarement entendu ailleurs : la musique parle. Toute seule. Comme dans ces vieilles légendes où elle préexiste et n’a besoin que de quelqu’un pour la mettre au monde ; un musicien qui ne sait ni comment ni ce qu’il joue, mais qui joue.

C’est peut-être ce qu’il s’est passé : le groupe accouchant de quelque chose dont il n’est pas tout à fait conscient ni responsable. Qui l’a dépassé. Car, aussi fou que cela puisse paraitre si l’on replace l’album au milieu de sa discographie, c’est-à-dire au milieu d’une série de parutions frisant ou atteignant la perfection, PINK FLOYD est alors complètement perdu. Le succès artistique et commercial de Dark Side of the Moon est tel qu’il les laisse tout à fait désemparés. Ce pour quoi ils cheminaient, leur but est atteint. Plus rien n’a la même saveur. Ils s’emmerdent en studio, passant leurs journées à jouer aux fléchettes, tandis qu’ils ne montrent pas beaucoup plus d’enthousiasme sur scène où ils sonnent creux. Le groupe n’est pas là et ça fait drôlement gamberger Roger. Il se rappelle ce qu’ils étaient, ce qui les portait à leurs débuts mais, surtout, il se rappelle celui qui n’est vraiment plus là. Syd Barrett, le premier leader du groupe, qui a connu la sortie de route quelques années plus tôt. Il y a dans l’histoire du Floyd cet événement qui pèse sur la psyché collective. Car, sans vraiment le dire à haute voix (ils le feront beaucoup plus tard), chacun se sent un peu coupable de ce qui est arrivé, plus encore de ne pas avoir su aider leur ancien camarade et de l’avoir carrément laissé de côté. La visite de ce dernier au studio, en toute fin de production, le leur renvoie en pleine gueule, d’autant que l’homme qu’ils voient porte sur lui physiquement sa déchéance. A l’arrivée, avec le recul, on peut voir l’album comme le résultat d’une thérapie de groupe ayant pour but de se confronter à ce douloureux passé.

Mais je vais sans doute trop vite. Revenons à Roger qui mouline. A ses côtés, David gratouille quand ça lui prend, entre deux parties de squash. Et puis, sans crier gare, voici que quatre notes surgissent de sa guitare : Sib/Fa/Sol/Mi. Un accord de rien du tout qui saisit le bassiste. Il entrevoit très vite ce que pourrait être l’album, rassemble ses idées puis propose le plan aux autres. Des trois morceaux sur lesquels ils brodent depuis un moment, il veut en garder un (les deux autres seront sous le coude pour l’album suivant), le développer au possible en deux parties distinctes au milieu desquelles viendront s’insérer d’autres chansons à venir, autour des thèmes de l’absence (celle de Syd, celle du groupe, celle de tout un chacun) ainsi que de la pression du système (celui du showbiz et plus largement de la société). Gilmour n’est pas très motivé, il préfèrerait terminer tranquillement les trois morceaux. Mais comme le plan de Waters est le meilleur et qu’il est déterminé, c’est ce dernier qui emporte la décision. Alors, le guitariste finit par s’y mettre ; le résultat est là pour prouver que ce ne fut pas en vain.

Mais, s’il y en a un qui s’y met, c’est bien Rick Wright. Il travaille comme un dingue autour du son de l’album, particulièrement du morceau principal dont il est le seul à être crédité sur l’ensemble des neuf parties. Omniprésent durant ces neuf minutes d’introduction, que ce soit en fond sonore ou en instrument soliste (on l’entend à l’orgue, au piano et à plusieurs synthés en même temps), c’est lui aussi qui guide les plus de six minutes de conclusion de la deuxième partie, jusqu’à la citation de "See Emily Play" - ultime allusion à Barrett. Son travail sur ce morceau est l’une des plus importantes contributions du Floyd à la musique, renforcée par la façon dont il dialogue avec Gilmour. Celui-ci assume de la meilleure des manières son rôle de frontman musical, bien au-delà de ses quatre notes si marquantes (dont rien que l’histoire de l’enregistrement serait à raconter), avec notamment ses trois soli si inspirés au cours de l’introduction. J'aime particulièrement ce qu’il dit dans le troisième, pourtant invariablement oublié des versions live, dans laquelle la guitare, plus tranchante que sur les deux autres, revient conclure son propos en se dédoublant de façon éphémère et victorieuse. Généralement oublié des live également, la totalité de la seconde partie qui a pourtant de nombreuses perles à offrir. En particulier un moment dément à la lapsteel. Ajoutons à ceci le fond du morceau, dans lequel Roger et Nick sont d’une propreté remarquable, qui alterne entre des tendances blues, reggae ou même funk, pour arriver à la conclusion que "Shine On You Crazy Diamond" est le plus grand morceau de PINK FLOYD, peut-être même le plus grand morceau tout court.

Au fond, ce qui est remarquable avec Wish You Were Here, c’est qu’il parvient à ne pas se limiter à ce morceau légendaire. Si, de prime abord, on peut facilement penser que le reste est plus faible, l’écoute répétée finit par faire comprendre qu’il n’en est rien, tant l’album porte en lui de nombreuses dualités qui en font son intérêt profond. J’ai évoqué l’essence artisanale de "Shine on" ; ce qui suit la première partie sent au contraire le cambouis, l’industrie. Là aussi, le travail de Rick Wright est essentiel pour cette mise en odeur tant c’est bien le son de ses claviers qui détermine les deux morceaux suivants. Bizarrement, ce que j’ai beaucoup de mal à supporter dans les années 80 passe nettement mieux ici. Je pense que c’est tout simplement parce que c’est lui : l’un des tous meilleurs claviéristes de la planète rock, des kilomètres musicalement devant ceux qui viendront pourrir la décennie suivante. A noter cependant que le fond de "Welcome to the Machine" n’est pas de sa main mais de celle de Waters, qui s’éclate lui aussi à bidouiller les synthés pour en tirer les ambiances oppressantes collant si bien au morceau, ainsi qu’à ce qu’il véhicule. Wish You Were Here est d’ailleurs un album qui regorge d’effets, souvent bien camouflés mais parfois clairement mis en avant, comme c’est le cas ici. Tant que j’en suis à parler de ce titre, évoquons rapidement la guitare de Gilmour sur ce morceau, où elle est la moins importante, pour dire que j’ai rarement entendu accords de guitare sèche aussi saignants.

La partie industrielle se poursuit tout naturellement avec le titre suivant, "Have a Cigar". Ce fut le titre radiodiffusé, ce qui peut paraître étonnant de nos jours puisqu’il est tout de même relativement oublié si on le compare au reste des morceaux. C’est le plus rugueux de l’album, le lien évident entre Dark Side (pour le jeu de claviers de Wright, du même ordre que sur "Money") et Animals (pour celui de Gilmour, qui préfigure ce qu’on entendra sur "Dogs" et surtout sur "Pigs"). Difficile à attraper, pas aussi abouti que le reste mais justement intéressant pour ça, pour son côté instable parfaitement symbolisé par le fait que ni Waters ni Gilmour n’ont réussi à le chanter, laissant cela à un mec nommé Roy Harper qui enregistrait dans le studio d’à côté mais passait surtout son temps à squatter celui des Floyd. Si Roger a depuis exprimé son regret de ne pas avoir persévéré à la chanter lui-même, je trouve cependant que cela colle parfaitement aux paroles (dans lesquelles une sorte de producteur parle aux membres du groupe) ainsi qu’à l’idée générale de l’album, à savoir l’absence (puisque les chanteurs du groupe sont littéralement absents ici).

Il faut à ce stade mentionner le coup de génie d’Hipgnosis, le collectif de designers attitrés de PINK FLOYD, porté par Storm Thorgerson. Lui non plus ne savait plus quoi faire après la pochette de Dark Side of the Moon. A force de parler du futur disque avec Waters (il paraît que c’est lui qui le premier a compris qu’il allait traiter de l’absence), il en vient à se dire que sa pochette doit être absente. C’est-à-dire qu’elle doit exister, mais ne doit pas être visible. C’est pourquoi il propose de l’emballer dans de la cellophane noire, avec simplement un autocollant dessus pour dire qu’il s’agit bien de cet opus. L’Histoire dit qu’il y a eu à ce sujet de fortes discussions avec le service marketing de la maison de disque, mais comme les membres du groupe étaient emballés, alors c’est ce qu’il s’est fait. L’objet en lui-même contient nombre de superbes photos ayant trait aux thèmes de l’album, ajoutant encore un peu plus à sa légende. La pochette représenterait l’artificialité, avec ces hommes d’affaire se serrant la main au milieu des studios d’Hollywood, l’un se consumant littéralement de ce qui pèse sur lui. On retrouve ailleurs sur l’artwork, notamment sur le rond central du vinyle, le motif des mains mécaniques, symbole assez avant-gardiste au sens où la mécanisation et la robotique seront au centre des années 80.

Une chose qui n’est pas absente, c’est le talent de parolier de Roger Waters. Guidé par son propre malaise vis-à-vis de Syd Barrett, il aligne ici ce qui est sans doute son meilleur recueil. Encore une fois, je me plais à penser qu’il a été inspiré par quelque chose de plus grand que lui. Même sans comprendre l’anglais, on ressent des textes qui s’accordent parfaitement au propos musical, une poésie évidente, profonde et sincère. En particulier sur "Wish You Were Here", la chanson aux mots les plus touchants, peut-être parce qu’ils sont davantage mis en avant. Je parlais de dualité dans ce disque, notamment car j’en vois une entre celle-ci et "Shine On You Crazy Diamond". Cette dernière est autant développée que "Wish You Were Here" est concise, avec un accompagnement limité à la stricte nécessité, débranché, en opposition à la richesse instrumentale du long morceau. On sait les immenses dissensions qui suivirent entre Roger Waters et David Gilmour, mais cette chanson est visiblement ce qui les rassemble profondément, celle qu’ils interprètent tous deux personnellement et qu’ils considèrent à raison comme une grande réussite.

Pour finir, il convient de signaler que ces dissensions sont en germe dans l’histoire de Wish You Were Here. Le collectif avait tout donné avant et il avait fallu que Waters prenne les choses en main pour que le moteur redémarre une fois de plus. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais le bassiste avait encore des idées en stock, ce qui allait alimenter le groupe durant quelques années au prix d’une mainmise de plus en plus prononcée, jusqu’à l’inévitable split. Cependant, cela allait se faire sans Rick Wright, dès Animals. Certes, ce dernier était là physiquement, mais la tête était ailleurs. C’est ce que disent les témoignages et plus encore les photos et vidéos de l’époque. Jusqu’à Division Bell, sur lequel il paraît revenir d’un long congé, ses contributions seront sans comparaison possible avec ce qu’il avait pu apporter jusque-là. Waters, en voulant se confronter à l’absence de Syd Barrett, a-t-il provoqué celle de Rick Wright ? Peut-être. Il est possible aussi que le claviériste ait senti, en vrai musicien, qu’il avait dit ce qu’il avait à dire, en particulier après cet effort qui restera à jamais son chef-d’œuvre.

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- Roger Waters (chant, basse)
- David Gilmour (chant, guitares)
- Richard Wright (claviers)
- Nick Mason (batterie)
- Roy Harper (chant - titre 3)
- Dick Parry (saxophone - titre 1)
- Carlena Williams (choriste)
- Venetta Fields (choriste)


1. Shine On You Crazy Diamond (part1)
2. Welcome To The Machine
3. Have A Cigar
4. Wish You Were Here
5. Shine On You Crazy Diamond (part2)



             



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