« La musique de JANE'S ADDICTION me fait penser à l'héroïne, celle de PORNO FOR PYROS davantage au crack. » John Frusciante*

Comment espérer décrocher de la came quand votre chanteur s'enfile devant vous toutes les substances imaginables dispos sur le marché de la défonce ? Impossible. Avery et Navarro annoncent donc leur départ de JANE'S ADDICTION au terme de la tournée Lollapalooza de 1991. Il ne faudra pas longtemps à l'hyperactif et charismatique Perry Farrell pour remonter un groupe en compagnie du fidèle Stephen Perkins, imperturbablement zen dans son nuage d'herbe. Et histoire de ne pas revivre la même galère avec d'autres chochottes indisposées à la vue de la première seringue qui traîne, autant d'entrée de jeu s'entourer de camés, hein ? Peter DiStefano et Martyn LeNoble sont donc recrutés. Ils tiendront accessoirement entre deux trips la guitare et la basse dans PORNO FOR PYROS. Et comme le suggère Frusciante, compagnon de défonce de LeNoble qu'il a croisé dans THELONIOUS MONSTER (le groupe de Bob Forrest, autre grand junkie, est une pépinière de talents), tout ce petit monde va passer au stade supérieur en plongeant la tête la première dans le crack.

Bon d'accord, mais la musique dans tout ça ? Ben justement, elle est sous lourde influence de tout ce que ces gars-là ingèrent et ça part vraiment dans tous les sens. Vous me direz que c'était déjà le cas pour Jane's, non ? Pas faux mais là, ça brasse encore plus large pour le meilleur et pour le moins bon sur des formats plus courts qui sentent clairement la va-vite ou le manque d'inspiration, voire les deux en même temps. Mais pas que, hein ? Pour le moins bon, citons l'inaugural « Sadness », brouillon au tribalisme un peu cliquant avec cette caisse claire piccolo qu'il faudra supporter pendant tout l'album. Ceux qui avaient tendance à trouver le chant de Farrell irritant seront ici confortés avec une production dépouillée qui arrondit encore moins les angles qu'à l'accoutumée. C'est grinçant. Et pourquoi avoir mis en avant le morceau le plus faiblard de la galette ? Pour le meilleur, « Pets » se pose là et se démarque franchement des autres compos avec un tempo plus lent, une ligne de basse plus souple et une production plus léchée. La voix de Perry Farrell est enfin posée, moins abrasive et on entrevoit tout à coup le véritable potentiel du groupe. Un vrai morceau bien écrit plutôt qu'une jam vite torchée en somme. Ce sera le second single extrait de l'album et il remportera un petit succès aux states.

Ceux qui attendaient la bave aux lèvres le deuxième chapitre des aventures de JANE'S ADDICTION ont généralement été déçus à l'époque. Et pourtant, derrière leurs atours plus ethniques et plus psychés, certains morceaux (« Meija », « Cursed Female »/ « Cursed Male », « Black Girlfriend » pour le côté épique) ont une filiation évidente avec l'ancien combo de Farrell et Perkins. Encore fallait-il faire preuve d'un peu de recul et ne pas vainement espérer un Ritual De Lo Habitual volume 2. Parce que si on en est loin, cette première offrande de PORNO FOR PYROS n'est pas déshonorante pour autant, loin s'en faut, mais plusieurs écoutes sont nécessaires pour se laisser charmer par le cocktail exotique gentiment bordélique que propose le groupe. Il n'empêche que l'album tient du rendez-vous manqué tant on sent à chaque instant le poids prépondérant de la came dans un projet qui aurait pu être beaucoup plus abouti avec un peu plus de concentration.

* dans Whores, an Oral Biography of Perry Farrell and Jane's Addiction de Brendan Mullen.