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Bobby BLAND - Two Steps From The Blues (1961)
Par LE KINGBEE le 11 Juillet 2017          Consultée 1938 fois

A l’instar de Ray Charles ou Sam Cooke, Bobby BLAND* peut faire figure de catalyseur de la Soul. Cet ancien chanteur de Gospel est l’un des chaînons marquant la collision entre le Gospel et la musique noire profane qui se fera connaître sous le nom de Soul Music.

Né en 1930 dans un bled paumé du Tennessee où les seuls moyens d’existence se résument au ramassage du coton et à la chorale religieuse, Robert Calvin Bland quitte son trou perdu en 1947 pour s’installer à Memphis où il embrasse la profession de mécanicien. Pour satisfaire les désirs de sa mère, il chante brièvement dans la paroisse locale mais s’intéresse surtout à la musique du Diable, celle qui se pratique sur Beale Street. Il participe à de nombreux concours amateurs au Palace Theater de Memphis où il fait la rencontre de plusieurs jeunes débutants qui feront bientôt parler d’eux (BB King, Johnny Ace, Rosco Gordon ou Junior Parker). Il intègre The Miniatures puis rejoint The Beale Streeters au sein duquel chantent Earl Forest et Johnny Ace. En 1951, il entame sa discographie avec un single pour Chess Records, enchaîne chez Modern mais les deux 78 tours ne connaissent aucun succès.

En 1952, l’un des patrons de la radio WDIA lui confie les paroles d’une chanson avec la promesse d’un enregistrement pour Duke, mais notre Bobby ne sait pas lire et passe à la trappe, la chanson tombant entre les mains de Johnny Ace qui l’expédie tout en haut des charts. Bobby Bland parvient toutefois à enregistrer une poignée de singles pour Duke Records, compagnie chez laquelle il restera fidèlement pendant plus de vingt ans. Mais alors que le succès commence à poindre son nez, notre chanteur mécano est enrolé par l’Oncle Sam et part jouer au soldat au Pays du Soleil Levant pendant plus de deux ans. A son retour au pays, la vague Presley et de nouvelles modes ont changé la donne. Par chance, Don Robey, nouveau propriétaire de la maison de disque, est à la recherche d’un chanteur afin de remplacer Johnny Ace qui vient de se tuer en jouant à la roulette russe. Robey perçoit vite le potentiel de Bobby Bland et décide de le confier à Joe Scott, l’ancien directeur musical de Johnny Ace, un personnage attentif, pondéré et pointu, futur artisan du son Duke. Placé sous l’aile protectrice de Scott, Bobby Bland améliore sa diction, son chant et peaufine en répétitions un répertoire sur mesure combinant Blues traditionnel, R&B, ballades et des zestes de Negro Spiritual. Bland a la bonne idée d’incorporer des gimmicks gutturaux influencés par les cris de gorge du Révérend Franklin, père d’Aretha. Bobby Bland connaît son premier grand succès en 1957 avec « Father Up The Road », un shufle texan, qui monte sur la première marche des charts R&B pendait deux semaines.

En peu de temps, Bobby qui se fait maintenant appelé Bobby Blue Bland, se produit 300 jours par an, mais doit attendre un an pour connaître un succès comparable avec « Little Boy Blue ». La fin de la décennie s’annonce moins rose au niveau des entrées dans les charts, mais Robey connu pour son intransigeance ne lâche pas son poulain, le fait tourner pendant quelques mois en première partie de Junior Parker dont il devient le chauffeur. Mais à l’orée des sixties, replacé sous l’aile protectrice de Joe Scott, Bobby renoue avec les succès en expédiant trois titres directo dans le Top Ten. De quoi changer de statut.

Parfois nommé « The 3 B » (en raison des 3 B de son nom) ou « The Voice », la carrière de Bobby sera jalonnée de succès jusqu’en 1972 avec pas moins d’une quarantaine de titres rentrant invariablement dans les hit-parades. A la croisée du Blues, de la Soul, de la Country Soul, du R&B et de la Pop, Bland restera dans le cœur des ménagères noires jusqu’à la fin de sa carrière. Parfois considéré comme chanteur de charme, Bobby Blue Bland résiste même à la vague Disco, son répertoire n’ayant jamais privilégié un auditoire jeune. Lorsque Duke est revendu au géant ABC, de nouveaux producteurs se chargent de dépoussiérer son image de chanteur de charme vieillissant en modernisant son répertoire à travers des disques cohérents. Au milieu des eighties, à l’image de ZZ Hill ou Johnnie Taylor, Bobby Blue Bland devient l’un des porte-drapeaux de l’école Soul Blues intégrant le label Malaco. Stand-up singer par excellence, ce chanteur qui ne pouvait compter que sur sa voix connaît le succès jusqu’à sa disparition en juin 2013.

« Two Steps From The Blues » apparaît dans les bacs des disquaires en 1961. Sur les douze titres de l’album, neuf chansons ont déjà vu le jour en singles et Duke a vendu 14 millions d’exemplaires, on comprend mieux pourquoi Don Robey s’est autant attaché à son chanteur. Ces titres proviennent de trois sessions enregistrées à Houston entre 1957 et 1960 au studio ACA (Audio Company of America), fief des labels Starday, Mercury, Peacock, D, ou Sarg, là où enregistrèrent Lightnin’ Hopkins, BB King, Arnett Cobb, Webb Pierce ou Ernest Tubb. Sept pistes proviennent d’une séance gravée à Chicago en novembre 1960 sous la houlette de Joe Scott. La pochette nous montre un Bobby Blue Bland décontracté, chaussé d’une paire de lunettes de soleil, la veste sur l’épaule. Le dorsal propose une photo du chanteur en costume et nœud papillon lors d’un concert. Tout pour combler la ménagère américaine du début sixties. Histoire d’en rajouter une couche, sous le logo Duke de la rondelle, il est précisé que la voix du chanteur est scintillante.
Mais en fin de compte, ce qui frappe le plus en examinant le disque ce sont les accréditations des titres. Les noms de Don Robey et de Deadric Malone (son pseudo) apparaissent sur neuf chansons. Don Robey n’était pas qu’un homme d’affaire sans pitié, patron de club et de maisons de disques, il excellait dans le domaine de la composition (il se murmure qu’il lui arrivait parfois de piquer des titres écrits par d’autres). Ce talent d’écriture se retranscrit tout naturellement dans le chant de Bobby Bland, c’est pratiquement du cousu main.
Les diverses influences dans lesquelles se vautre allègrement le chanteur débouchent sur douze titres sans faille. Presque 60 ans après sa sortie, « Two Steps From The Blues » n’a pas pris la moindre ride, tant au niveau des arrangements que de l’orchestration, des lignes mélodiques ou d’un chant exceptionnellement velouté.
Quand on vous parlait de titres sans faille, avouons que « Two Steps From The Blues » coécrit par Texas Johnny Brown et le Don Robey échappe à la règle, la chanson sonnant trop mélodramatique. La future version rallongée de Little Beaver nous paraît supérieure et moins datée. Bobby Blue Bland parvient à fusionner ses diverses influences qui finissent par ne faire qu’un. On retrouve dans cet éventail des ballades : « Cry, Cry, Cry » avec une guitare qui touche à chaque note et un saxophone intense, « I’m Not Ashamed » qui se rapproche du New Orleans Sound, « Lead Me On » futur succès de Gwen McRae. « I’ve Just Got To Forget You » peut faire aujourd’hui figure de proto Soul Blues. Mais Bland savait aussi booster sa zone de confort comme en témoigne « Don’t Cry No More » avec un excellent passage de batterie.
Le Memphis Blues est lui aussi bien présent dans l’univers du chanteur avec l’excellent « I Pity The Fool » (future reprise d’Ann Peebles et du Tedeshi Trucks Band), « Little Boy Blue » marqué par la guitare du texan Clarence Hollimon, le classique « St. James Infirmary » ou bien encore « I Don’t Want No Woman » superbe pièce oscillant entre West Side et Memphis Blues que reprendra bientôt Magic Sam. Enfin, notre chanteur se montre aussi dans son élément dans la Deep Soul, « I’ll Take Care Of You », une compo de Brook Benton, en est le plus bel exemple.

Ce premier 33 tours du chanteur reste une pièce charnière de la Soul Blues early sixties. Epaulé par une fine brochette d’accompagnateurs, ce disque demeure encore marqué par la qualité des arrangements et un choix de titres imparables. Alors les grincheux trouveront certainement à redire et prétexteront que certaines chansons ont connu des reprises plus captivantes (on pense notamment aux versions de Margie Joseph, Irma Thomas Lonnie Brooks ou O.V. Wright pour «I’ll Take Care Of You », à celles de Geater Davis et Little Bob & The Lollipops pour « Cry, Cry, Cry »), il n’en demeure pas moins vrai qu’on atteint là l’un des sommets artistiques de la production Soul du début des années 60 avec un chant décontracté, véritable don de Dieu, d’où la note maximale.

*Afin de respecter la pochette, ce disque est classé sous le nom de Bobby Bland, alors que le chanteur fera carrière sous le nom de Bobby Blue Bland. Certains 45 tours antérieurs au disque indiquent curieusement le nom de Bobby Blue Bland sur les rondelles. Signalons que ce disque a été réédité plus d’une vingtaine de fois sous diverses formes (CD, K7, vinyle) et qu’il apparaît parfois avec une pochette noire et blanche, sans doute pour faire vintage.

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- Bobby Bland (chant)
- Wayne Benett (guitare)
- Clarence Hollimon (guitare 3-8-11)
- Hamp Simmons (basse)
- Teddy Reynolds (piano, orgue 3-8)
- Connie Mack Booker (piano 3-8-11)
- John 'jabo' Starks (batterie 1-2-4-5-6-7-9-10-12)
- Sonny Freeman (batterie 3-8-11)
- Robert Skinner (saxophone 1-2-4-6-7-9-12)
- L.a. Hill (saxophone 1-2-4-6-7-9-12)
- Rayfield Devers (saxophone 1-2-4-6-7-9-12)
- Bill Harvey (saxophone 3-8-11)
- Joe Scott (trompette 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10-12)
- Melvin Jackson (trompette 1-2-4-5-6-7-9-10-12)
- Pluma Davis (trombone 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10-12)


1. Two Steps From The Blues.
2. Cry, Cry, Cry.
3. I'm Not Ashamed.
4. Don't Cry No More.
5. Lead Me On.
6. I Pity The Fool.
7. I've Just Got To Forget You.
8. Little Boy Blue.
9. St. James Infirmary.
10. I'll Take Care Of You.
11. I Don't Want No Woman.
12. I've Been Wrong So Long.



             



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