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Henry THREADGILL - Spirit Of Nuff... Nuff (1991)
Par LE BARON le 19 Septembre 2017          Consultée 1564 fois

Spirit Of Nuff... Nuff, publié en 1991, marque le début de l'alliance d’Henry THREADGILL avec un nouveau groupe : VERY VERY CIRCUS. Composé d’un batteur, de deux tubistes, deux guitaristes, un tromboniste, et THREADGILL lui-même alternant entre la flûte et le saxophone alto, l’ensemble est atypique. Quant au choix de son nom, THREADGILL en donne une explication qui dépasse largement l’anecdote et éclaire l’ensemble de la musique produite par cet étonnant combo.

Car la musique de VERY VERY CIRCUS n’a pas grand-chose à voir avec « L’entrée des gladiateurs », on s’en doute. Et pourtant, explique THREADGILL, elle se rapproche de l’esprit des cirques géants américains dans lesquels le spectacle se déroule sur plusieurs pistes au même moment. Cette analogie est une façon simple et lumineuse d’expliquer ce qui se produit dans une composition de TRHEADGILL : plusieurs mélodies se croisent, s’entrechoquent parfois, s’éloignent puis se rapprochent, jusqu’à former un ensemble à la fois fluide et complexe. Fluide, parce que THREADGILL ne verse jamais dans une musique froide ou intellectuelle. Complexe, car elle relève d’un travail de composition extraordinairement savant, bien qu’il soit dénué de toute démonstration de virtuosité.

On peut donc se concentrer sur une partie ou une autre, ou simplement se laisser porter par l’ensemble, particulièrement foisonnant. On est surtout assuré de pouvoir écouter et réécouter le disque et de ne jamais entendre la même chose. Une des raisons est que THREADGILL joue avec les différents pupitres comme personne. Au fond, seul le batteur – le jeune Gene LAKE, qui accompagnera bientôt Steve COLEMAN – est à la place qu’on lui donne généralement dans le jazz, celle de la colonne vertébrale autour de laquelle tout s’organise. Tous les autres musiciens, en revanche, sont traités à égalité. Tous, et y compris les tubistes, que l’on imaginerait volontiers – déformés que nous sommes par l’écoute régulière de jazz ou de rock – remplacer l’habituel bassiste. Or, il n’en est rien. Il faut comprendre par cela qu’aucun pupitre n’a plus d’importance qu’un autre et que chacun des musiciens peut alternativement jouer un solo, une mélodie, une partie de l’harmonie. Cela participe bien évidemment de l’atypie de cette musique qui, l’air de rien, renverse les codes du jazz, refusant de donner une position plus noble à tel ou tel instrument.

Ce renversement est également évident dans la construction même des morceaux. Ici, point d’introduction, de thème, de solo confortablement installé sur une base rythmique. En fait, c’est tout le contraire. Chacun des instrumentistes peut ainsi être désigné pour entamer un morceau et a tout loisir d’improviser. Puis, peu à peu, les thèmes se construisent, se déconstruisent, tournent en de multiples variations qui ne sont pas sans rappeler un mouvement de gyroscope. Les pupitres eux-mêmes s’allient ou se contrent selon les moments, jouant alternativement en solo, en duo, en trio, et ce au sein d’un même morceau.

L’immense talent des membres de VERY VERY CIRCUS – tous éminents membres de l’Avant-Garde new-yorkaise – c’est d’être, en plus d’habiles instrumentistes, de vrais musiciens, sachant établir un discours musical personnel, mais restant entièrement dédiés au collectif, à la composition, à ce qui fait la force d’une création musicale exigeante, forte, unique. THREADGILL reste le grand ordonnateur de l’ensemble, certes, mais à l’inverse de bien des jazzmen, il n’utilise jamais son groupe comme faire-valoir personnel.

Spirit Of Nuff… Nuff marque le début d’une série de disques incroyables, uniques, et qui constituent peut-être le meilleur de THREADGILL. VERY VERY CIRCUS utilise les codes du jazz, les détourne, les renverse, mais toujours dans un souci de grande clarté. Bien sûr, c’est une musique exigeante. Mais elle est à des lieux de toute posture, de toute prétention. Henry THREADGILL est rien moins qu’un des compositeurs les plus brillants de son époque. S’il reste méconnu, c’est sans doute pour son absence totale de compromission, et, justement, de posture. Homme discret, il ne se paie pas de mots et laisse sa musique parler pour lui. Et elle le fait admirablement.

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   LE BARON

 
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- Henry Threadgill (saxophone alto, flûte)
- Curtis Fowlkes (trombone)
- Brandon Ross (guitare électrique)
- Masujaa (guitare électrique)
- Marcus Rojas (tuba)
- Edwin Rodriguez (tuba)
- Gene Lake (batterie)


- spirit Of Nuff...nuff
1. Hope A Hope A
2. Unrealistic Love
3. Drivin' You Slow And Crazy
4. Bee Dee Aff
5. First Church Of This
6. Exacto
7. In The Ring



             



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