- Alors, qu’en dites-vous Watson ?
- Eh bien cher Holmes, encore heureux que vous l’ayez vu !
- Pour un peu, votre pointure 44 aurait effacé l’unique pièce à conviction de ce meurtre. Et vous avez vu dans quel état elle se trouve déjà !
- Certes, il faut dire qu’un chat n’y retrouverait pas ses petits. Passez-moi le microscope portatif, voulez-vous ? Merci. C’est incroyable ce qu’ils fabriquent chez Ikea de nos jours. Bon, il faut placer la pièce sur le microscope... Aidez-moi je vous prie, il faut s’y mettre à deux et y aller doucement.
- Mais c’est mou, Watson ! C’est presque à l’état liquide !

- En effet. La consistance nous montre déjà que l’assassin doit être Français. Un tel degré de mollesse ne se rencontre guère que chez ces avaleurs de grenouilles. Voyons... De prime abord, rien de spécial... Un élément laryngitique faiblard, sans charisme, traînant... Hum, la consistance harmonique est quand même respectée. Sur la première couche, regardez, c’est correctement réalisé. Ça me rappelle même l’affaire Thom Yorke, vous vous rappelez ?
- Oui, la seconde aussi semble acceptable. J’y entends... comme une trompette bouchée.
- Trompette bouchée ? Vous avez trop joué de violon, Holmes. Ou encore pris ce que je vous avais formellement interdit de reprendre !
- Moi ? Allons Watson, cessez vos enfantillages et continuez votre analyse ! Le microscope vous révèle-t-il autre chose ?
- Non, passée la troisième couche, le sujet est trop mou, les atomes se liquéfient. Attendez... Snif... On ne peut pas dire que l’odeur soit de prime abord délectable.
- Ca schlingue sa race, ouais. Au moins ça va nous aider à catégoriser cette pièce.
- Certes Holmes, mais ce qui m’inquiète c’est justement cette mollesse. Ce vide, cet espace entre les atomes... Ce n’est pas normal. Il semble que cette vacuité soit d’origine industrielle.

- Un sabotage voulez-vous dire ? Un complot ?
- Oui, car je trouve des corps étrangers. Regardez, la couche 6, je trouve une copie générique de Willie NELSON.
- Willie NELSON ? Celui qu’on surnommait l’outlaw ?
- Oui, eh bien avec ce qu’il vient de pondre, sûr qu’il va vite s’y retrouver, en taule. Il rajoute encore plus d’espace dans une reprise qui était déjà dénuée.
- ...De ? ...Attention Watson, vous n’avez pas fini votre phrase.
- Non non, c’est dénué. Comme tout le reste d’ailleurs, c’est dénué, tout court. Dénué de tout : de profondeur, de charisme, d’intérêt, de crédibilité. Regardez, sur la couche 7, c’est tellement ridicule... Tout est fait à l’envers...

- Ne croyez-vous pas, cher Watson, que cette pièce à conviction soit l’expression pure et naturelle d’un retour aux racines, d’une volonté de sensibilité exacerbée, d’une expérimentation sur la valeur du dépouillement ?
- Non, je crois que celui qui a créé ça se fout royalement de la gueule du monde. Il n’y a qu’à voir la dernière couche, c’est une tarte à la crème tellement on l’attend. Et le pire c’est que le fabricant de cette mauvaise copie a laissé son nom. David FOSTER.
- David FOSTER ? Ce serait lui le responsable de ce truc fûmeux ? Impossible, Watson. Jamais ce grand producteur ne se serait rabaissé à fournir un produit si abominable. Je sens la main de ce diable de Moriarty derrière tout ça !
- Il n’y a qu’un moyen de le savoir... Attendez, je vais goûter... Mon dieu, quelle horreur ! C’est abominable !!!! Vous aviez raison, Holmes. Et maintenant je peux vous révéler la nature de cette pièce à conviction : c’est de l’excrément.
- Et qu’en concluez-vous, Watson ?
- Que j’ai eu du bol, vu que j’ai failli marcher dedans !