Le néo-progressif est un genre super sympathique mais un peu sclérosé qui est né sur les cendres fumantes du prog classique et s’est acoquiné avec le son (et la scène) de la NWOBHM naissante pour donner un rock prog plus... rock ; plus bourrin, plus musclé, plus viril. Mais toujours avec de la mélodie, des passages bucoliques et plein de synthés dans tous les sens. Un carcan sonore bien défini et qui donna naissance plus tard au prog metal. KNIGHT AREA, agréable formation Néerlandaise, donnait jusqu’à présent dans le neo le plus pur et formaté ; mais pour cet album, un peu comme leurs aînés de PENDRAGON voilà dix ans, le groupe semble avoir voulu pousser les murs, étendre son champ d’action, et donner dans le prog le plus velu, le plus éclatant et le moins sobre possible, tout en ne franchissant pas l’étroite frontière qui les sépare du metal progressif. Exercice délicat qui, pour moi, est totalement réussi : dans le genre très dynamique, très (très très très) mélodique, presque pop, mais avec des gros sons graisseux, KNIGHT AREA vous en met plein le museau.

Toutes les cases de la check-list de rêve sont cochées : les refrains sont immédiatement sifflables, les couplets pleins de malice, il y a du tube certifié ("Starlight"), de l’épic non prétentieux ("The Reaper" et sa fin malicieuse), du pur pop-prog de la grande époque ("Twins of Sins" qui mélange quelques relents de ALAN PARSONS PROJECT et de feu LEMUR VOICE), de l’instrumental archi-calibré ("Eternal Light", putassier à en crever mais qui s’inscrit dans la ligne droite la plus pure des interludes instrumentaux prog du tout meilleur des 80s), jusqu’à la ballade de fin tire-larmes parfaitement construite, un "Memories" qui vaut bien trois LLOYD WEBBER. Le tout donc avec une mise en place évidemment clinique, un très bon chant, une sorte de recette magique qui vous retourne le cerveau.

Le cerveau et les portugaises. Parce que tout l’album est bousillé, niqué, calciné, détruit, gâché, déshonoré par un mastering qui, jaloux des instruments, a voulu faire comme les petits copains : TOUT DANS LA GUEULE ! Résultat : ah oui, sur le premier couplet de l’excellent "Unbroken", on headbange, on sourit, on savoure. Arrivé au refrain, on déguste : ça grésille dans tous les sens. Une calamité. Mais quelle connerie ! Mais qui est responsable de cette honte ? Le propos de KNIGHT AREA était clair, et à la limite louable : s’auto-donner un coup de pied au cul, d’accord. Mais ça, non. Du coup, l’album, qui était pourtant varié et tout à fait écoutable en tant qu’entité, devient un supplice auditif au bout de quinze minutes. Pratiquement chaque idée géniale, chaque relance béton, est foutue à la benne par ce mastering minable. On parle souvent de “victimes de la loudness war”, là pour le coup c’est vraiment mort au champ de bataille. Incompréhensible. Alors bon, pour cette fois, 4 étoiles parce que vraiment l’album est trop sympa, le talent et l’inspiration sont trop évidents, mais la prochaine fois c’est 15 jours au trou. Histoire de réviser un peu le protocole.

PS : Trop cher, le double vinyl est cependant très beau avec pour ineffable qualité de vous donner effectivement, par la force des choses, un peu de répit aux cages à miel toutes les 15 minutes.