AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Voici la livraison 2017 de Max RICHTER sur la série désormais culte des Leftovers. Série d'excellente qualité, très recommandable, dont vous verrez d'ailleurs la version française traduite par un des membres de notre équipe. Diantre, il n'y a pas encore d'œuvre de l'allemand sur Forces Parallèles ? Une petite introduction historique s'impose pour présenter cet ovni du minimalisme ! Après des études de musicologie à Edimburgh, il évolue dans le monde des XENAKIS, des GLASS, des REICH... il est choisi par Scorsese pour la musique du film de Shutter Island. On le connaît aussi pour sa réinterprétation des 4 saisons de VIVALDI. Bref, un cador qui devrait succéder à Hans ZIMMER ou pas loin pour la domination de cette spécialité musicale.

Les trois saisons des Leftovers ont été vécues par les spectateurs comme une forme de rédemption suite aux conclusions de la série Lost, elle aussi produite par Damon Lindelof. Cette histoire de disparition de 2% de la population mondiale et ses conséquences trouve donc une forme d'explication rationnelle et parfaitement compréhensible lors de l'apogée des derniers épisodes de la saison 3. La musique se devait d'être irréprochable pour magnifier cela. Je ne vais toutefois pas vous raconter de fariboles, il s'agit essentiellement de variations sur les thèmes déjà développés par RICHTER lors des saisons précédentes.

Seulement 5 morceaux ? Oui, oui. L'avantage est que leur qualité devrait pousser les plus curieux à découvrir l'œuvre de ce compositeur émérite. Le titre introductif "The end of all our everything" est une variation sur un des thèmes majeurs de RICHTER. Le piano y est si velouté qu'il en devient éthéré, tant de douceur pour souligner la souffrance terrible du manque et de la perte. Un rendu parfait avec cette toute petite ligne mélodique et minimaliste, c'est le cas de le dire.

"Either fire or fire" dégage une image puissante et ténébreuse, sur un fond finalement peu mélodique et presque tellurique. On retrouve le premier thème au ralenti à l'extrême avec "The spectre of a rose" où stridence et lancinance se télescopent avec beaucoup d'a propos pour souligner l'extrême de la situation. "Nothing's gonna stop me now" voit ce même piano enveloppé dans une ambiance irréelle, vibrante et plus positive. Un titre porteur d'espoir là où la série en distille fort peu. Beaucoup d'écho et de reverb ont été nécessaires pour symboliser l'éveil d'un rêve ou le passage vers une autre dimension.

La répétition du "Now" sur "And now the place for the first time" est à nouveau une reprise du thème central, joué cette fois à l'orgue sur des séquences de synthés qui l'enrobent comme on le ferait précautionneusement d'un nourrisson. La fragilité qui en émane est tout à fait remarquable. On s'imagine dans une église et pour un peu on aurait envie de croire à l'indicible présence d'un dieu quelque part, derrière tout le blanc qui se dégage. Les cuivres s'emparent de l'espace lors de la dernière minute pour annoncer un final grandiose mais d'une sérénité émouvante.

Bon... C'est très court ! Trop ? Difficile à dire, mais ce n'est certainement pas très recommandable pour découvrir ni l'œuvre de RICHTER ni la série des Leftovers. Trop d'interrogations, trop de suspense en jeu. Pourtant, tout est beau, juste et parfaitement en place. La note se situe donc en adéquation avec les autres saisons musicales, qu'elle complète et qu'il convient d'écouter pour saisir toute la complexité de l'oeuvre.