Cette main posée sur des bouquins est le symbole du neuvième opus de Max RICHTER dont la notoriété comme compositeur de films et de séries n’est plus à faire. L’homme a déjà fait preuve de son talent au cours des 20 dernières années, il est d’ailleurs le musiciens classique le plus streamé sur le net, s’il faut vous situer la bête. Ne vous attendez pas à des décibels en fusion ni à de la complexité avec notre homme. Ici, tout est affaire d’ambiance et de choix de notes, notre homme a été biberonné aux grands maîtres du minimalisme et il ne changera pas de sitôt.

La basse de "They Will Shade Is With Their Wings", qui ouvre l’opus, égrène les notes comme les secondes d’un compte à rebours. L’ambiance est au cordeau, on attend un dénouement qui tarde à venir, comme souvent avec Max. La tristesse et une certaine fatalité sont présentes avec des cordes parfois stridentes, pas de doute sur l’identité du compositeur de ce titre. On le reconnaît entre mille, à sa lenteur sépulcrale, son sens esthétique de la reptation, c’est impressionnant et probablement le meilleur instant de cette livraison.

La mélodie de "The Poetry Of Earth" est simple, ondoyante, presque fuyante, l’assemblage de cordes me rappelant des thèmes d’Arvö PART. L’analyse est semblable avec "A Time Mirror" où échos et reflets sont plus en trompe l’oeil qu’autre chose. Enfin, un peu d’amour sur "Love Song", avec un piano presque atone. Le violon injecte sensibilité et texture, le titre ne nous menant pas vraiment à bon port jusqu’à ce que la coda nous rappelle au bon souvenir des capacités dramatiques du maestro. Des sequencers aquatiques officient sur "Only Silent Words".

"And Some Will Fall" passe à une vision plus classique, où l’alto descend ses gammes avec lenteur. On pourrait presque être sur du BACH, d’autant que le violon agit comme une forme de canon sur la mélodie principale, violoncelle et contrebasse sonnant la rythmique lente de l’ensemble avec une belle homogénéïté. Mais la sensibilité est comme toujours de mise avec une portée dramatique toute cinématographique comme en atteste "Late And Soon". Le piano de "A Colour Field" est cependant calme et relaxant, annonçant un peu plus de gaieté.

L’"Andante" en est une comme il se doit, le piano évoluant de nouveau dans la tristesse et le dénuement. Bien sûr, on ne peut pas ne pas entendre les influences de Philip GLASS ou de Steve REICH tout du long de ses pièces. Le minimalisme est toujours à l’oeuvre en ce 21ème siècle, prouvant toute sa vivacité auprès des tenants du classique plus pompeux. Enfin, "Movement, Before All Flowers" me permet de retrouver un peu l’ambiance de l’incroyable moment de découverte de la B.O des Leftovers : ce piano inéluctable, la sensation d’être sur le fil en permanence, c’est très réussi.

Les "Life Study" au nombre de neuf sont autant d’intermèdes sensés rythmer la balade globale qu’est cet album dans les paysages de nos psychés. Je ne lui trouve pas de réel intérêt, que ce soit la balade sur la grève avec les cris des oiseaux, les synthés et sequencers aquatiques stressants ou les coups de bois sur bois et la forêt d’échos et de sons délétères qu’on entend tout du long, noyés dans un magma souvent trop noir.

Difficile de se montrer sévère avec Max RICHTER qui maîtrise son art à la perfection et ne se rate jamais lorsqu’il s’agit d’imposer une ambiance ou des textures. On peut cependant déplorer un certain manque de dynamique et de contraste entre les morceaux qui évoluent comme dans une descente aux enfers. On n'a vraiment pas l’impression de pouvoir en réchapper. La série des "Life Study" qui me paraît en outre inutile a tendance à briser l’unité sépulcrale des thèmes. Je mets donc un 3 un brin sévère à ce neuvième opus du génial compositeur.