Voici le premier album solo de Christine Perfect, déjà McVie puisque mariée au bassiste de FLEETWOOD MAC, mais la transition ne s'est pas encore faite de ce point de vue-là. Durant cette période des années 60 en mouvement constant et fort, la talentueuse Christine est l'une des rares femmes qui parvient à se trouver une place confortable dans le milieu du rock, et c'est loin d'être terminé.

Quelques années plus tôt, elle a obtenu un diplôme pour devenir professeur de sculpture d'art, et elle a déjà publié deux albums en compagnie de CHICKEN SHACK, groupe qu'elle quitte en 1969, celle où elle enregistre son premier album. Ses anciens compagnons comme les futurs sont les poulains du label Blue Horizon, qui a encouragé la demoiselle en ce sens.

L'album en question n'a pas de titre bien à lui, ni il faut bien le dire, de personnalité franchement marquante sur le plan style et qualitatif. Les premiers efforts de Christine tendent à la mettre en valeur en tant qu'interprète, mais même de ce côté-là, elle manque pas mal de la maturité qu'on lui connaîtra ensuite. De plus, la moitié de l'album est constituée de reprises (Etta JAMES, Tony Joe WHITE...). On dénombre déjà quelques points forts au moins, et les collègues de CHICKEN SHACK comme de FLEETWOOD MAC participent pour un titre ou deux.

"Crazy 'Bout You Baby" est un exemple parlant de ce que la première expérience de Christine aux rênes de sa musique peut donner de mieux. Soul-rock, piano Wurlitzer très en avant, saxophones tout au fond à l'inverse, c'est mal mixé (ce final "cassant") mais ça reste efficace, gentil. Les chansons se suivent et montrent déjà l'empreinte de la belle, qui préfère employer des formules simples pour un sujet des plus courants : l'amour, avec plein de nuances de "je te veux" et de "laisse-moi tranquille".

Chaque titre vogue plus dans un sens ou dans l'autre, et la musique alterne blues lents avec des titres soul plus enlevés. La voix et le jeu de Christine au piano manquent parfois de chaleur – sur "No Road Is the Right Road" par exemple -, tout se laisse écouter mais sans créer l'étincelle, ou rarement. La basse entêtante de "I'm On My Way" est une de ces bonnes idées, on apprécie le final de "When You Say" avec ses "la la la" et sa guitare électrique qui donnent un petit côté épique.

À ce sujet, il faut mentionner la présence de Top Topham, tout premier guitariste des YARDBIRDS ! Tout le long du disque, si la guitare lead est, grâce à lui, généreuse en plans intéressants, on peut déplorer les arrangements de cordes trop léchés ou les cuivres trop discrets sur des mélodies tout juste passables. John McVie et Danny Kirwan s'illustrent joliment sur "When You Say", le fameux titre épique susmentionné, et la fin du disque propose des moments plus réussis et mieux imprégné du soft-rock américain. "I Want You" avec ses guitares rafraîchissantes qui se baladent et surtout, le crépusculaire "Tell Me You Need Me", loin de l'interprétation blues scolaire ou du british-rock adolescent, révèlent déjà le talent de Christine dans ce qu'il a de meilleur. À écouter par curiosité, et par respect pour cette immense dame !