Des groupes qui ont commis un très bon album avant de disparaître, il y en a. Les mêmes qui reviennent dix ans plus tard, c'est déjà beaucoup plus rare. Et les retours gagnants, pensez, c'est comme les trèfles à quatre feuilles. Autant dire qu'on était donc fébriles à l'idée que Magna Carta Cartel se reforme. Leur premier et seul opus avait été une sacrée bouffée d'air frais, pas tout à fait rock, pas vraiment pop, à aucun moment prog mais pourtant tournant autour comme une guêpe vers le melon, voilà qui donnait du plaisir à écouter en espérant qu'ils réitèrent l'exploit. Et les revoilà donc, avec un léger changement de line-up, car, c'est extrêmement étonnant (lol) mais Tobias FORGE ne fait plus partie de l'équipe. Je ne vois pas pourquoi. Ca m'échappe. Une vilaine grippe, sans doute.

En tous cas, c'est avec une sublime pochette (comme pour l'album) que les MCC délivrent un EP 5 titres. Pourquoi si peu ? Probablement pour tremper l'orteil voir si elle est froide. Stratégie intéressante et compréhensible. Le résultat est-il aussi enthousiasmant qu'espéré ? C'est déjà difficile à dire de premier abord car le format est différent. Deux fois moins de titres, cela signifie qu'un titre moins bon a deux fois plus de poids. C'est la contrepartie du format EP. Dans l'ensemble, on va dire que ce petit disque n'est pas tout à fait au niveau de son illustre aîné. Et la faute en incombe entre autres à un titre un peu raté : un titre sur cinq, c'est déjà beaucoup, alors que sur dix, on a tendance à l'oublier. "Jennifer" est donc une ballade semi-acoustique assez minimaliste présentant un Magna plus introspectif, avec une ambiance assez sombre, presque glauque. Ca ne leur sied qu'assez peu, malgré une évidente recherche dans le son.

Mais pour le reste, on retrouve peu ou prou les ingrédients qui nous avaient épaté sur leur premier album, à savoir une évidence mélodique alliée à une approche du son authentiquement originale malgré des ingrédients qui, sur le papier, semblent d'une grande banalité. Le premier titre met du temps à décoller mais sa dernière minute nous laisse retrouver cette sensation d'épique, de grands espaces avec très peu de moyens. Si c'était un film, ce serait le Bad Taste de Peter Jackson : aucun budget, mais un coeur gros comme ça. S'ensuit "Sway" qui est une tuerie, un titre indispensable de cette année. S'il avait bénéficié d'une mélodie vocale plus aboutie, c'aurait même été dans le top 5 sans problèmes. Parce que son riff principal est tout ce qu'on aime dans ce groupe : il est d'une évidence, d'une limpidité, il possède sa propre vie, il a toujours été là, quelque part dans notre cerveau. On rajoute un final entre stoner et country blues rageur, et pfiouuu... sacré petit titre.

Les deux morceaux qui restent ne le sont pas, en reste. Rythmée et anthémique, avec un riff très bien fichu, "Turn" a un petit parfum des excellents GOTHZILLA. Ce côté festif tout en ne franchissant jamais la ligne jaune. Plus difficile à appréhender (et instrumental) mais peut-être annonciateur d'un tournant stylistique, le très bon final "Mayfire" louche vers le post-rock, sans y plonger, et fait penser aux passages atmosphériques de FATES WARNING ou LEPROUS. S'agit-il d'un kiff personnel, ou d'une transition vers un second album qui sera plus expérimental que pop-rock ? Pour l'instant on se contentera d'extrapoler, et de savourer les bons moments de ce court retour, tout en sachant que les passages moins exaltants restent au-dessus de la mêlée du rock made in 2017. Allez messieurs, vous avez toujours pleine légitimité pour exister dans le paysage musical actuel, le feu pour le second album est au vert.