Voyage en amnésie. Vous souvenez-vous de ce disque ? De ces deux disques, car notre voyage se fera aller ET retour ? Hum, j'en vois qui se grattent la tête (attention les pellicules). Petit retour en arrière donc pour les plus jeunes d'entre vous - ou les moins jeunes qui ne veulent pas s'en souvenir.
1995, ce n'est pas encore la krizdudisk mais elle approche. Et pour soutenir la vente de compact discs (je rappelle qu'à l'époque, le vinyl est mort et enterré dans notre beau pays, nonobstant quelques très rares magasins spécialisés punk, alternatif et hip-hop), l'industrie invente la Fête du Disque. Principe simple : vous allez acheter un disque en magasin et en cadeau, on vous offre ce CD, sobrement intitulé "Le collector". Hum, est-ce qu'un disque pressé à des centaines de milliers d'exemplaires peut être considéré collector ?

Bref, vous alliez acheter le dernier CABARET VOLTAIRE, le dernier MAYHEM ou le dernier MILLI VANILLI, et vous repartiez avec un CD de variété française dont la particularité (car il fallait bien intéresser le chaland) était de comporter quelques inédits. Intention louable, à double tranchant. Evidemment, on pourra regretter qu'il n'y ait QUE de la variété française, mais d'une part on ne crache pas sur un cadeau, et surtout, combien d'entre nous ont possédé ce disque sans rien écouter du genre ? Ce "collector" a donc pu faire parfois office d'initiation, bien chiche certes, à quelques grands noms.

Bonne initiation ? Tout dépend de ce que l'on recherche. Si vous prenez en compte les titres qui ne sont pas inédits, cela vous permet d'écouter par exemple "Dors" de Patrick BRUEL qui, passée l'intro Patriiiiiiiiick, se trouve être bonne avec un solo de guitare qui ne fait pas semblant, ou encore le gros tube de Charlélie COUTURE, joué un peu à l'économie. Mais les inédits valaient-ils le coup ? Globalement, on peut dire que la qualité est fort correcte. Les live déjà : Jean-Louis AUBERT au bon groove et à l'ambiance superbe, sur la lancée de son excellent album H ; Liane FOLY mutine sur une "Marelle" soyeuse ; Véronique SAMSON qui fait mouche avec une classique "Révérence" aérée ; et fin du fin, une très belle chanson de Patricia KAAS avec un public démentiel.

Côté studio, deux "faces B" intéressantes : un réenregistrement unplugged de l' "Infidèle" d'Alain CHAMFORT qui, malgré les arrangements acoustiques, conserve son centre épique, et une reprise en anglais de Johnny HALLYDAY aux arrangements très costauds, malgré une petite réserve : l'accent frenchy a du mal à passer. C'était sa période Las Vegas, il voulait y faire carrière comme Céline DION et y rester 5 ans, mais bon, au bout d'un moment, ça lasse, Vegas. (NDLR : Laurent Gerra, sors de ce corps !).
Petits bémols, un Etienne DAHO un peu roboratif, pas au sommet, et un Jacques HIGELIN à l'énergie brute parfaitement captée, mais un peu gâché par la (non) mise en place des choeurs. C'était le bon temps des live de Nulle Part Ailleurs, à l'époque où Canal Plus était une vraie chaîne de télé qui proposait de la vraie musique (NdAlain : Rhaaaaa 'credi les lions ont pas bouffé Payet... jeudi 'Pultura z'ont pas bouffé Payet... Et dredi y'avait stouquette). On finit l'album sur "Grimaud" de VOULZY : curieux choix. C'est pas une fin d'album, ça.

C'est pas une fin et c'est dommage car malgré le côté un poil trop hétéroclite et jeté en l'air, ce petit CD est finalement assez agréable. Il montre la variété française digne de son patronyme : il y a VARIE dans variété, malgré le regret de n'y voir figurer que des grands noms. Les inédits et la bonne humeur globale méritent de s'intéresser à ce disque si vous le trouvez - et vous le trouverez - à un pauvre euro dans tous les vide-grenier. Car comme tous les cadeaux, icelui n'a pas vraiment été apprécié à sa juste valeur et tout le monde a oublié jusqu'à l'existence de ce "collector". C'était une bonne idée, un peu biaisée mais utile.

Puis après Abel, vint Caïn...