AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Une série télévisée sur l'Exorciste ? Mais quelle idée. Déjà que pour une très grande majorité des spectateurs (pas votre serviteur), le II n'aurait jamais dû exister... Mais que voulez-vous, ma bonne dame, faut bien trouver des idées quelque part, alors après la vague de remakes cinématographiques abominables (en tête l'atroce Ghostbustresses), on continue sur la lancée et on étire les pitchs de films culte comme un bon gros chewing-gum, l'important n'étant plus la qualité mais la possibilité de délivrer X épisodes de YY minutes. Bref, l'Exorciste étant considéré comme "vieillot" (pensez donc, 1973, quelle horreur), il est remis au goût du jour sous forme de série câblée, avec tous les apparats actuels : CGI, photographie numérique charbonneuse, et bien évidemment côté sonore, du bon gros rentre-dedans industriel.

C'est donc Tyler Bates qui s'y colle, un petit jeune qui n'en veut et qui se partage entre sa fonction de scorer pour grosses machines (plus grand succès : Guardians of the Galaxy 2) et guitariste / producteur de Marilyn MANSON. Un pied dans la B.O., un autre dans le metal indus, et une série basée sur la peur : vous vous doutez bien que l'écoute de ce disque ne va pas coller avec votre jogging matinal. C'est une musique qui est censée mettre mal à l'aise, très stridente, glaciale, avec moult effets qui ne peuvent s'apprécier qu'au casque, si possible de qualité supérieure.

La production est, on s'en doutait, exceptionnelle. Les couches de synthés et de bruitages se multiplient avec souvent (pas toujours) un grand savoir-faire. Faisant partie de la très douteuse corporation Remote Control, Bates a accès à la plus grande banque de sons du monde et en fait évidemment un usage intensif. On ne peut donc pas l'accuser d'avoir bâclé la recherche sonore : choeurs à la LIGETI sur "Nikki Suicide", industriel tape-nerfs à la Trent REZNOR de Quake sur "Holy Pastries", voix célestes, musique concrète sur l'assez réussi "Chaos", rythmique terrifiante à base d'horloge Comtoise de l'enfer sur "Mouse's Story", sans oublier deux/trois citations sur "Dolores", le titre le plus développé : les percussions de Jerry GOLDSMITH dans Rambo III, la chorale de ... La Malédiction du même GOLDSMITH, et, plus intéressant encore, les rythmes de l'Afrique profonde rappelant le MORRICONE de... ta dam, Exorciste II ! Ben tiens, je croyais qu'il n'existait pas, celui-là ?

Cependant, le problème du disque est double lorsqu'il s'agit de se l'emplâtrer in extenso. Déjà, la musique n'est pas qu'oppressante : elle est surtout répétitive car malgré le nombre important de sons mis en place, le style finit par être vite redondant. C'est une musique beaucoup plus illustrative qu'écoutable sur support audio. Mais surtout, toujours le même problème des ex-Media Ventures : que c'est prévisible ! Les effets sonores sont superbes, mais mille fois déjà entendus, voire pire : clichés. Ca ne donne pas envie de regarder la série car si elle est à l'image de sa bande sonore... Prenez un titre comme "False Demons" : pas sûr qu'avec le même matériel et quelques heures devant soi, votre aimable critique n'arrive pas à en faire autant. Il n'y a pas vraiment d'inspiration, plus de la roublardise.

Alors oui, je le conçois, c'est très bien fait, les amateurs de musique concrète vont prendre leur pied sur certains passages particulièrement bruyants (pensez à Tobe HOOPER sur son Chainsaw Massacre). Mais c'est quand il tente des accalmies mélodiques que Bates montre vraiment ses limites : comment faire oublier le thème si fort de Mike OLDFIELD, et même sans cela, le score inquiétant et trouble (bien que très parcimonieux) de Jack NITZSCHE ? Réponse simple : il ne le peut pas, et les quelques thèmes mélancoliques effleurés au piano n'ont que très peu d'implication émotionnelle. A voir le thème qui clôt le disque, "Andy's Last Words", on a l'impression d'écouter du Michael CONVERTINO : ce n'est pas mauvais, mais c'est terriblement superficiel. Disque réservé donc aux âmes insensibles amatrices de couches de bruitages et d'ambiances sépulcrales.

Pardon, cher ami lecteur ? Tu te sens frustré ? J'ai oublié quelque chose ? Hein, le thème principal du show composé par Daniel Hart ? Non non, je ne l'avais pas oublié. Je l'avais poussé du pied sous le canapé. Tu l'as vu quand même ? Eh ben tu l'auras voulu : disons que pour un thème horrifique qui clôt un très long album, on dirait le générique de Petits Secrets Entre Voisins. Voilà. Ca donne envie de mettre à la poubelle le film original de William Friedkin pour mieux savourer la perfection d'une version définitive en 2018, pas vrai ?