Le processus de deuil peut prendre du temps. Et l'on comprend bien qu'il faudra encore quelques essais à Mariusz Duda pour se remettre de la mort soudaine du guitariste de RIVERSIDE. Mais si la créativité est une activité cathartique qui peut aider sur le lent chemin de l'acceptation, encore faut-il ne pas se laisser submerger. Ainsi, à considérer bien plus comme un EP que comme un véritable album, le dernier RIVERSIDE, "Eye of the soundscape", s'était-il montré bien trop blafard, s'apitoyant sur son sort. Le dernier album de Lunatic Soul, projet électro censé se montrer plus personnel et minimaliste pour Duda, avait été une bonne surprise, multipliant les ambiances et les expérimentations de studio pour quelques titres fort goûtus.

Mais voilà que débarque moins d'un an après ce qui est considéré comme un nouvel album, bien que naissant des cendres du précédent. Si peu de temps entre deux - trois ! - albums et tout mijoté dans le même bouillon de spleen, il y avait de quoi se méfier. Et effectivement, ce nouveau Lunatic, s'il ne peut pas être pris en défaut côté production, ressemble plus à un plan B qu'autre chose. Même si bien sûr, c'est nettement mieux que ton plan A que tu n'as d'ailleurs même pas.

Le problème se retrouve dès le premier titre : "He Av En", magnifiquement sonorisé, avec du Mariusz autotuné de partout, et une ambiance coldwave qui vous rappellera Pornography des CURE. Intro sympathique, si l'on peut dire, mais qui manque d'emphase. Et une majorité du disque souffrira du même symptôme : de beaux sons, mais du spleen au kilomètre. Le morceau-titre (malgré un solo de guitare post-rock), l'instrumental "Shadows" pourtant millimétré, le lénifiant "Rinsing The Night" qui partait si bien avec son riff acoustique à la OPETH : on navigue entre excitation (les mélodies ont du potentiel de développement) et ennui : tout est en surface, ça manque de profondeur.

On a l'impression que Duda n'a pas été au bout de ses peines, voire au bout de SA peine. Et du coup, les facilités stylistiques prennent le dessus. Pourtant, il y a bien du travail derrière, ce ne sont pas d'ignobles faces H du dernier album : sur "Trials", au départ lancinant, il développe une ambiance à la limite de la messe noire qui finit par anesthésier l'auditeur, avec l'aide de solides influences TANGERINE DREAM (référence par ailleurs revendiquée). Et, de loin le meilleur titre, "The Art of Repairing" (toujours cette question de deuil sous-jacente), mélange des séquences synthwave et un riff rock electro à la John CARPENTER. Le titre est assez bancal mais ses bonnes idées sont bien amenées. "Untamed" termine le disque sur une ballade prog-folk beaucoup plus banale qui, si elle est de qualité, pose la question sur le devenir de Lunatic Soul autant que de RIVERSIDE.

Il ne s'agit pas d'un album purement bâclé, mais clairement en-dessous des attentes. Peut-être épuré et remixé au format EP l'aurait-il grandement aidé. Les spleeneux seront contents, les mélomanes un peu moins, dans tous les cas Duda a hautement augmenté le facteur risque de sa prochaine livraison. On attend le nouveau RIVERSIDE pour la fin de l'année. Espérons que sursaut il y aura.