"Attention. Ce disque nécessite d'être écouté plusieurs fois. Une unique écoute distraite résultera en un stimulus auditif insuffisant". Voilà le message d'avertissement inclus dans la pochette intérieure de ce troisième Sanctuary. Ce qui paraît logique : c'est la base du rock progressif. Seulement un problème surgit lorsqu'après une bonne vingtaine d'écoutes, on ne sait toujours que penser. Côté style, Sanctuary III ne vous dépaysera pas : c'est exactement dans la mouvance des deux premiers, à savoir un hommage / pompage aux 4 premiers albums de Mike OLDFIELD (eux et une poignée sélective). Le premier volet était assez inégal mais avait pour lui la fraîcheur, le second était bien mieux agencé, le troisième est... aux frontières.

Si l'on prend l'album tel quel, à savoir en CD (ou en vinyle), le maître mot est : inconsistance. Robert Reed et ses copains (Simon Phillips de plus en plus présent, le vénérable ancêtre Les Penning, et cette fois pour pimenter le sujet Troy Donockley, le barde de NIGHTWISH) livrent un mélange entre quelques-uns des meilleurs thèmes de la série, d'autres trop faciles voire très discutables (la reprise quasi identique du thème de "Taurus I" est limite ; utiliser le même son de synthé, c'est de la provocation), et le tout est principalement plombé par une gestion des transitions de plus en plus hasardeuse.

L'intro de la face A est à elle seule un bel exemple : début planant, magnifique ambiance celtique, puis tout s'arrête afin de faire place aux "choeurs OLDFIELD" (omniprésents, et parfois horripilants) et un premier climax hurleur peu emballant. Tout l'album sera ainsi : mal fagoté, avec des passages à vide qui tombent comme un cheveu sur la soupe. Mais aussi quelques mélodies vraiment belles, quelques passages bien fichus. Jusqu'à la fin du disque, on sera tiraillé entre le plaisir pur d'écoute et les coups de stress : ainsi, pourquoi ne pas avoir terminé la face B sur le vrai dernier climax ? Trop facile ? Oui mais parfois, il faut savoir tailler dans le gras. Un bon gros thème bien pompeux mitraillé aux cloches tubulaires, ça vous finit un album aussi sûr qu'un joint en silicone vous finalise une pièce.

Bon, si on s'arrêtait au simple disque, le constat serait clair et assez négatif : petit album sympathique mais pas transcendant, que l'on peut facilement oublier tant il a parfois du mal à passer. Mais Reed est un artiste généreux. Et donc la version 2CD + 1DVD de Sanctuary III, franchement la seule que je vous conseille, augmente de façon très significative l'intérêt du produit. Déjà, vous y trouverez une version 5.1 de l'album. Comme d'habitude, c'est très spectaculaire et bien fait, quelques petits soucis de temps en temps, mais de façon générale cette version surround est plus - non, BIEN plus - passionnante que l'écoute en stéréo. L'album s'y montre plus fluide, l'oreille accroche bien plus facilement. Ce bien qu'il s'agisse du mix original, assez... envahissant.

Si vous trouvez justement la production un peu trop bourrine, vous avez l'album entier remixé par Tom Newman. Un mix beaucoup plus doux et "classic prog", avec quelques petits défauts techniques mais aussi plus de coeur et de feeling. Le côté OLDFIELD 70s vous bourre le mou ? Qu'à celà ne tienne ! Les principaux thèmes sont remixés dans une sorte de medley plus porté sur l'electro et l'ambiant à la ENIGMA : une assez belle réussite dans son genre. Enfin si c'est le côté décousu de la chose qui vous tape sur les nerfs, Reed propose des radio edits mettant l'accent sur les meilleurs thèmes. On pourra ainsi redécouvrir "El Paso", thème enjoué entre les SHADOWS et Ennio MORRICONE, sans conteste une des deux meilleures sections de l'album.

Pas encore rassasié ? Le DVD propose aussi 14 minutes de "promo videos" montrant les musiciens invités (sauf Troy hélas), avec notamment les prises de batterie de Simon (quelle classe ! quel bel homme !), une "démonstration" de comment enregistrer en multi-pistes (fausse bonne idée car elle tue un peu la magie avec son côté travail à la chaîne), et enfin un documentaire de 60 minutes où Reed, seul au piano, explique et joue l'intégralité des sections de l'album. Documentaire lui aussi plombé par une fausse bonne idée : les explications techniques sont toutes suivies par un récital piano seul de Robert rejouant la partie qu'il vient de décortiquer. Si cela permet de mieux comprendre l'ensemble de la section, en revanche musicalement c'est si redondant qu'on finit vite par se lasser. Séparer les deux vidéos aurait été plus austère, mais aussi plus gratifiant.

Même si l'inspiration n'est pas toujours au rendez-vous, Robert Reed a donc encore une fois choyé ses fans. Si les intentions premières du bonhomme ont toujours été remises en question par certains, et toujours plus avec les sorties en cascade, il faut lui reconnaître, outre un savoir-faire qu'il a déjà laissé éclater avec MAGENTA, une vraie envie de partager tous les aspects, humain, technique et artistique, de la musique. A essayer donc APRES achat : vous avez quasiment quatre versions d'un même album, ce serait vraiment le diable de ne pas en trouver au moins une qui vous convienne.

Note finale : 2,5/5 pour l'album et 5/5 pour la présentation !