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DECAMERON - Third Light (1975)
Par JESTERS TEAR le 14 Octobre 2018          Consultée 988 fois

Suivant la cadence légendaire des temps reculés que sont les années 70 (je m’excuse pour ceux dont ces temps reculés correspondent à leur jeunesse, mais faut se rendre à l’évidence les gars), DECAMERON sort son troisième album en 3 ans et ça s’appelle Third Light (du coup il y a tellement de chiffres 3 qu’on se croirait dans le nouveau Testament).

Il est considéré par beaucoup (la douzaine de personnes qui connaissent le groupe en fait, a une vache normande près) comme l’album le plus abouti du groupe, et si cette considération est sujette au débat, il faut dire qu’il y a des arguments en sa faveur. Si l’album est composé presque de la même façon que l’excellent album précédent, c’est-à-dire d’une alternance de titres folk-rock enjoués, de ballades et de morceaux aux structures plus progressives, ainsi qu’une ou deux curiosités, le son ici se fait plus ambitieux et plus rock.

En effet, les claviers et les guitares électriques sont bien plus présents, quand l’album précédent était encore majoritairement porté par des instruments acoustiques, malgré quelques apparitions de guitares électriques et surtout une basse dantesque. Cela s’explique peut-être par le retour d’Al Fenn qui vient donner un coup de main à Dik Cadbury à la guitare et à la basse. Le son plus ample rapproche donc encore plus le groupe du rock progressif. Les mélodies restent cependant typiquement folk, et superbes la plupart du temps. Une autre différence est le ton un peu plus « sérieux » de cet album qui abandonne presque totalement les morceaux festifs et humoristiques, un des atouts de ses deux premières livraisons, pour livrer un ensemble majoritairement mélancolique et poétique, ce qui donne peut-être plus de crédibilité artistique à la musique de DECAMERON.


Abordons tout d'abord les morceaux enjoués « classiques », au nombre de deux ici : le titre d’ouverture « Rock’N’Roll Away » démarre ainsi toute basse dehors, avec un chant toujours aussi inspiré, les mélodies excellentes s’accordant parfois à une rythmique efficace. Des guitares électriques très claires peu envahissantes sont un autre atout de cette composition simple mais efficace. « Road To The Sea », qui arrive bien plus loin dans l’album, doit sa couleur aux claviers bien présents et bénéficie lui aussi d’un chant efficace cette fois renforcé par quelques chœurs. Ces deux morceaux ont beau être basiques, et donc parmi les moins intéressants, ils n’en sont pas moins irréprochables.

Du coté des ballades (on parle de la pure, les morceaux progressifs dont nous parlerons plus tard ont souvent une base de ballade, mais coupent la dope), on a « Journey’s End », joli morceau lui aussi envahi de claviers, avec un chant bien en place et plus mélancolique que jamais. Les guitares s’y font discrètes au profit d’un violon volubile (« Regarde maman, une allitération ! ») et inspiré. « Morning Glory » clôture l’album avec une nouvelle fois un chant mélancolique bien dans le thème. Les deux chanteurs unissent d’ailleurs superbement leurs organes (non, ce n’est pas une cérémonie morbido-sataniste, juste des harmonies vocales) sur un refrain tout en langueur. Violons et violoncelles accompagnent seuls la guitare acoustique sur ce titre, et la dernière minute est un instrumental méditatif où guitares acoustiques, chœurs et violons rivalisent de pureté. C’est assurément très calme, mais comme fin d’album, c’est cohérent. Une fois encore, seul le manque de variations classe ces morceaux parmi les moins intéressants, puisque tout est maîtrisé et que la qualité est là.

Maintenant, on peut attaquer les morceaux essentiels. « All The Best Wishes » commence comme une ballade, guitare rythmique acoustique et guitare wahwah en lead mélodique ouvrant le bal, avant que le chant entre, vite rejoint par des chœurs majestueux et mystérieux et une basse rythmique qui va et vient avec beaucoup de finesse. Les instruments et les voix s’échangent les thèmes, les mélodies comme les chanteurs varient et soudain, au terme d’un petit crescendo de chœurs par ailleurs superbe, la guitare électrique explose dans une entrée fracassante, aidée par une rythmique musclée, avant de partir dans un bien joli solo énergique. Le chant et les chœurs reprennent ensuite les rennes, mais la guitare n’est jamais loin. L’ensemble est splendide, alternant moments calmes et cavalcades sans la moindre faiblesse. Un trésor.

« Wide As The Year » commence au piano. Un chant aux mélodies toujours inspirées (ne cherchez pas, elles le sont toujours chez ce groupe) est le fil conducteur de ce titre où les instruments entrent un par un. Ce morceau est le marie-couche-toi-là des arrangements, tout y passe : claviers, violons, chœurs sublimes, basse, puis plus tard guitare acoustique, batterie, et enfin guitare électrique mélodique à souhait. Moins louvoyant que le titre précédent, il reste superbe. « Trapeze » alterne passages calmes, presque minimalistes, chantés par un chanteur, et d'autres plus enjoués (et sublimes d’ailleurs) pour un rendu atypique mais efficace. Mais ce n’est encore que la première partie, puisqu’au milieu du morceau, un nouveau thème réussi apparaît, au chant et à la guitare acoustique, avant un court passage instrumental et un retour aux thèmes initiaux et un dernier nouveau thème pour la route, bardé de chœurs. Bref, un morceau protéiforme qui n’est pas sans rappeler la créativité débridée de Mammoth Special, leur album précédent.

On finit par « The Ungodly », peut-être la meilleure piste de l’album. Sur celle-ci aussi, l’intensité monte et descend, les chanteurs alternent le chant et les thèmes, les chœurs sont magiques, et point culminant du morceau, un crescendo émotionnel débouche sur un solo de guitare superbe. Saluons au passage le travail exceptionnel de Dik Cadbury à cet instrument, puisqu’après avoir fait passer le groupe au niveau supérieur grâce à sa basse sur l’album précédent (elle n’est pas en reste sur ce L.P-ci non plus, attention), c’est de la guitare électrique qu’il fait la star sur ce Third Light, sans pour autant être envahissant. On ne s’étonne pas de retrouver plus tard ce prodige dans le Steve Hackett Band.

Il nous reste deux curiosités à évoquer. « The Strawman » doit son côté atypique à son absence de rythmique. En effet, les instruments (principalement des cordes et des claviers) semblent suivre directement la voix qui commence d’ailleurs a capella. Le rendu est étrange, mais les mélodies belles, seule la longueur du titre en fait un petit échec, puisque plus de 4 minutes, c’est bien trop pour ce genre d’exercice. Enfin, « Saturday » renoue avec l’ambiance festive de la livraison précédente et il me semble bien que le chanteur lead est ici un troisième larron, peut-être bien Cadbury. Il est escorté de chœurs et alterne le chant avec ses camarades sur certaines phrases, mais il s’en sort avec les honneurs. Un break mélancolique de toute beauté coupe ce morceau sautillant, avant de repartir sur sa petite gigue. Une belle réussite.

En définitive, DECAMERON nous livre un superbe album, moins frais mais plus ambitieux que son prédécesseur, plus rock aussi. Les deux sont à mon sens aussi hautement appréciables, mais pour des raisons différentes (on verra que leur quatrième et dernier album aura ses raisons personnelles lui aussi). En tout cas, Third Light est sans aucun doute le plus prog de la carrière du groupe, et il mérite largement son titre d’excellent album, avec une fois encore des mélodies travaillées et son alternance de chanteurs toujours aussi efficace. 4,5, à un pouce du chef d’œuvre.

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- Dave Bell: (guitare, chant, percussion)
- Dik Cadbury (guitare, basse, chant)
- Johnny Coppin (guitare, claviers, chant)
- Al Fenn (guitare, basse)
- Goeff March (violon, violoncelle, claviers)


1. Rock And Roll Away
2. All The Best Wishes
3. The Strawman
4. Saturday
5. Wide As The Years
6. Journey's End
7. Road To The Sea
8. Trapeze
9. The Ungodly
10. Morning Glory



             



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