"Bien sûr, le meilleur rappeur de France a un cheveu sur la langue." Cette phrase, YOUSSOUPHA l'a sortie il y a maintenant six ans, dans ce qui peut être considéré comme sa plus belle pièce, Noir Desir. Si je ressors une punchline parue dans "L'amour", c'est simplement car elle pousse au débat. Beaucoup de rappeurs nous font rire quand ils disent être les meilleurs. Avec Youss, on ne plaisante pas. Le gars impose son style depuis tellement d'années en France qu'il mérite un respect incontestable. Le passé est satisfaisant pour lui, il n'y a rien dont il doive avoir honte en termes de sorties d'album. Quand il annonce son nouveau projet Polaroid Experience, les oreilles de votre serviteur se dressent, prêtes à l'écoute.

YOUSSOUPHA fait la part belle à l'authentique. La pochette en atteste : une photo personnelle où on le découvre enfant avec sa grand-mère. Tout le long de l'album, notre rappeur retrace son parcours, évoque sa famille et sa vision du monde. Rien de mieux pour clôturer l'étape d'une vie, ce qu'il affirme dès le premier morceau "Polaroid Experience" : c'est son dernier disque. L'instrumentation gérée par son producteur CEHASHI est intelligemment menée. Elle offre le luxe de conférer un effet très vintage aux instruments tout droit sortis d'un mixage d'ordinateur. Si le premier titre nous montre le YOUSSOUPHA auquel on a l'habitude, le reste de l'album se montre très différent. Que ce soit le court titre "La Cassette" ou l'inattendu "M'en aller" qui apporte une dose d'autotune, élément très peu exploré par le rappeur jusqu'ici. Dans un contexte tout aussi déroutant, nous est proposé "Niama Na Yo" où le rappeur chante dans sa langue maternel : le Linguala. Le titre ne brille pas par sa structure, seul l'inhabituel le rend intéressant.

L'album brille tout de même grâce à certains titres. "Devenir vieux" est l'exemple parfait d'une utilisation parcimonieuse du vocodeur que YOUSSOUPHA sait maîtriser. Les paroles nous prouvent que le rappeur est un des plus grands lyricistes du rap français. La fluidité des textes est impressionnante. L'aspect vintage de "Avoir de l'argent" est également très agréable, tandis que "Alléluia/1989" nous surprend par son originalité dans la mélodie et la qualité d'interprétation du rappeur, qui classe directement ce titre parmi les meilleurs de l'album.
Le titre "Par Amour" étant un peu inférieur en intensité, on lui préfère le tubesque "Mourir ensemble" qui tente de rallier les cœurs malgré les différences. Enfin, abordons les meilleures trouvailles de l'album que sont "Les sentiments à l'envers" et "Le jour où j'ai arrêté le rap". L'un est épuré, avec une guitare et une voix que YOUSSOUPHA gère à la perfection, l'autre se veut épique et tend à clore ce chapitre de la vie de notre rappeur, avec la voix de Kery JAMES en dernier orateur de l'album.

Polaroid Experience est bon. YOUSSOUPHA nous fait ses adieux de façon humble et grandiose à la fois. Même si votre serviteur est mille fois plus client de Noir Désir et Ngrtd, force est de constater que ce projet regorge de sincérité et de maîtrise. L'intronisation de l'autotune se fait de manière épurée et douce, et notre rappeur prouve sa capacité à survoler plusieurs styles musicaux en un album. La grande question est de savoir si, oui ou non, il met réellement un terme à sa carrière. L'avenir nous le dira, en attendant nous reprendrons avec plaisir une dose de YOUSSOUPHA dans sa discographie de qualité.