LAPRE appartient à cette seconde vague de la Berlin School qui émergea au début des années 80, emboîtant ainsi le pas aux pionniers du genre, à savoir TANGERINE DREAM, Klaus SCHULZE et Manuel GÖTTSCHING. Le groupe se forme en 1983, fruit de la rencontre du guitariste Peter PREUß et du claviériste Rudolf LANGER, ce dernier venant tout juste de quitter TYNDALL (1). Un nom est rapidement trouvé par addition des premières lettres de leurs patronymes respectifs (2). Nos deux camarades installent un petit studio dans l'appartement de PREUß à Berlin et dans la foulée fondent leur propre label (Lapre-Produktion). L'aventure tourne court néanmoins, le duo allemand se sépare en 1987 après n'avoir sorti qu'un single (Oeso) et un E.P. (Flokati), ainsi que deux autres morceaux édités par une obscure compilation berlinoise (Tedan). C'est donc l'ensemble de ce frugal catalogue que compile aujourd'hui Bureau B sur le bien-nommé Auferstehung (« résurrection »), près de trente-cinq ans après la disparition du groupe.

Dans la même veine que TYNDALL, LAPRE demeure très influencé par TANGERINE DREAM. Sa musique participe néanmoins au renouvellement que connaît alors le style et ne verse plus nécessairement dans de longues progressions de musique planante. Ici, les morceaux se raccourcissent et se rapprochent parfois presque des canons new-wave. À l'instar des premiers disques d'Harald GROSSKOPF, la batterie électronique gagne en importance. Les deux Allemands conservent néanmoins bien cette tradition du séquenceur propre à l'école de Berlin. Le matériel est parfois de fortune, mais les quelques bricolages avoués par le livret n'entament en rien la qualité des compositions. On est évidemment loin des échos cristallins d'un vinyle de Klaus SCHULZE, mais difficile de nier que le son de LAPRE possédait alors un certain charme.

À l'époque, le duo se distingue des autres formations par l'utilisation d'instruments absents ou disparus de l'outillage habituel de la Kosmische Muzik. Outre les synthétiseurs, la guitare joue ainsi un grand rôle. Fait étonnant, cette dernière est acoustique et n'est que rarement électrifiée. La remarque est loin d'être anecdotique. Ce choix va à l'encontre des expérimentations du genre et modifie inévitablement la texture des morceaux. La musique de LAPRE n'est pas froide comme pouvait encore l'être TANGERINE DREAM au même moment, voire anxiogène à l'instar de certains disques de Klaus SCHULZE. Au contraire, Auferstehung dévoile des couleurs plus chaudes et rassurantes. On note également l'utilisation discrète d'un glockenspiel sur « Oeso », pour lequel, nous dit-on, fut nécessaire une nuit entière d'enregistrements.

La carrière de ce groupe allemand eut beau être courte, les huit morceaux qu'elle nous lègue restent d'une admirable variété. De voyages cosmiques ( "Tedan", "Blastogenese") en trips oniriques ("Oeso", "Zytode"), nos Berlinois croisent de même les routes des COSMIC JOKERS ("Auferstehung"), d'Harald GROSSKOPF ("Flokati", "Orionen") et même du néo-prog anglais ("Zumla"). Comme l'écrit avec justesse Thomas WORTHMANN dans les liner notes, LAPRE occupait pour lors une "niche inexplorée" de la musique électronique. Pas de quoi crier au génie absolu non plus, mais Auferstehung pourrait quand même intéresser bien plus que les amateurs de la Berlin School.

(1) Dont les quatre albums, parus entre 1979 et 1983 chez Sky Records, ont également été réédités par Bureau B courant 2018.
(2) LAnger + PREuß = LAPRE