La puissance d'AKHENATON dans le hip-hop français est indéniable. Ce gars est un incontournable du mouvement, rien que pour avoir réussi le petit exploit de créer le groupe IAM, véritable icône des générations qui ont eu la chance d'évoluer en même temps. Pourtant, la carrière solo du rappeur ne comporte pas que des chefs d'œuvres – comme celle d'IAM, me direz-vous. AKHENATON a créé un bijou mythique avec Métèque et Mat, et ne réussira définitivement pas à maintenir la flamme en état dans sa carrière personnelle. Ceci implique donc un Sol Invictus moyen, un Black Album plus que perfectible et, le sujet de notre chronique ici, Soldats de Fortune. Débarqué en 2006, cet album reste dans la carrière du rappeur le laissé pour compte, l'oublié que plus grand monde ne voit comme nécessaire dans sa discographie.
Pourtant, cet album comporte une énorme pièce, un "Demain c'est loin" qui arrive dix piges plus tard. Le morceau "La fin de leur monde" présent sur le second cd du projet est digne des longues tirades d'IAM, et AKHENATON et SHURIK'N trouvent les mots pour séduire l'auditeur pendant plus de dix minutes, parlant de ce qui ne va pas dans la société. Est-ce un argument valable pour acheter et être conquis par l'album Soldats de Fortune, c'est une autre question.

AKHENATON, qui porte toujours et encore son accent marseillais comme un fier étendard, nous envoie de bonnes idées – surtout instrumentalement – avec des titres comme "Alamo" ou "Mots Blessés" pour ne citer qu'eux. Ce n'est pas anodin, car l'album est entièrement produit par le rappeur lui-même. C'est une prestation impressionnante et peu courante dans le milieu hip hop trop souvent assisté par des grosses pointures qui mâchent le travail. En revanche, produire c'est bien, mais la composition ne doit pas être mise à l'écart et rendue au second plan pour autant. Et malheureusement c'est l'impression que nous donne cet album, avec des titres comme "Entre la pierre et la plume" où les deux rappeurs d'IAM récitent leurs rimes chacun leur tour sans élément accrocheur, ou encore le morceau éponyme "Soldats de Fortune" qui peine à convaincre, dommage pour un titre introductif. La prestation d'un certain SOPRANO avec les PSY 4 DE LA RIME sur "Vue de la cage" donne une fraîcheur nécessaire et un plaisir non négligeable, cela n'empêchera pas la suite de l'album de décevoir.

Finalement le point noir de cet album, ce n'est pas les textes, ce ne sont certainement pas les instrumentations qui sont pour la plupart assez recherchées et bien travaillées. Non, le réel souci vient d'un ennui inévitable causé par une ambiance molle, un rappeur qui peine à vendre son interprétation. Cela se sent à travers des titres comme "Canzone Di Malavita", "L'école de la samba" difficilement audible jusqu'au bout, "Cosca Crew Party" qui n'est qu'une version bon marché d'un "Bad Boys de Marseille". L'interprétation réussie dans les couplets de "Livedsladsktk" est freinée par un refrain sans aucune inspiration, alors que "One Luv" est un morceau gâché quant à lui par une instrumentation à la limite de l'audible. L'ennui est imparable sur "Quand ils rentraient chez eux" qui ne possède que le couplet d'AKHENATON pour attirer l'attention.

Quelques titres sont cependant sympathiques à l'écoute, on pense notamment à "Déjà les barbelés" où AKHENATON et SAKO envoient chacun leur tour des couplets d'excellent facture. L'apparition de Faf LARAGE sur "Comode Le dégueulasse" fait beaucoup de bien, il ajoute une dose d'énergie qui arrive à crédibiliser à nouveau les compositions d'AKHENATON. "Sur les murs de ma chambre" avec le fidèle compère d'IAM nommé SAÏD est, sans être un tube exceptionnel, un morceau de bonne facture qui se fait écouter facilement.

En conclu… euh, non, attendez voir il y a un deuxième cd dans cet album ! N'oublions pas d'y faire un tour. Parce qu'au final, excepté la bombe intemporelle qu'est "La fin de leur monde", ce second cd révèle parmi ses quatre titres plus de qualités que l'ensemble du premier album. "Bronx River" fait mouche grâce à sa spontanéité et sa simplicité de composition. Bon, passons "Do it do it do it" pour finir avec la qualité de "Crèverie haut de gamme" qui termine le projet Soldats de Fortune avec un FREEMAN haut de gamme, plein d'énergie et de qualités.

Bilan maigre pour ce quatrième album solo du rappeur AKHENATON. On sent qu'il subit un manque clair et net d'inspiration, d'ailleurs qui se ressent également dans la carrière d'IAM à la même époque. Certainement un trop plein d'albums, de productions forcées par le besoin inévitable d'être sur le devant de la scène. Quoiqu'il en soit, si "La fin de leur monde" est un incontournable de la discographie du rappeur, cet album ne brille pas par ses idées et s'empêtre au même niveau qu'un Black album, finalement.