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1964 Out To Lunch!
 

- Style : Peter BrÖtzmann
- Style + Membre : John Coltrane , Charles Mingus , Ornette Coleman

Eric DOLPHY - Out To Lunch! (1964)
Par JASPER LEE POP le 26 Avril 2019          Consultée 1492 fois

Le cap de la vingtaine fraîchement passé, j’en ai eu ma claque des chevelus à guitares saturées et je me suis mis en tête de me lancer à la découverte du jazz. Je me suis dans un premier temps procuré quelques guides recensant les classiques du genre que j’ai ensuite empruntés compulsivement en médiathèque. Le Out to Lunch ! d’Eric DOLPHY figurant dans tous les classements et sa superbe pochette, une des plus belles de Reid Miles pour Blue Note, me faisant de l’œil, je le ramenais aussi sec à la maison. Première écoute et première incompréhension. Trop dissonant et trop déstructuré. C’est bien beau de vouloir jouer les intellos mais là, je n’avais pas les codes, me disais-je. N’empêche que ça a provoqué quelque chose en moi qui m’a poussé à retenter le coup six mois plus tard. Nouvel échec. Mais décidément un truc m’attirait et un troisième emprunt serait le bon.

Vous l’aurez compris, Out to Lunch ! n’est pas forcément très facile d’accès et tout comme en peinture on a davantage de chances d’apprécier le cubisme en bossant un peu le dossier Cézanne, on sera plus à même de se laisser charmer par la sorcellerie de DOLPHY si on est au fait des évolutions stylistiques du jazz. S’être frotté à John COLTRANE auparavant peut aider. À Charles MINGUS également. Notamment parce que DOLPHY a fait un stage chez ces deux-là. Impossible de ne pas le reconnaître dès qu’il prenait un solo, principalement à cause des dissonances bien sûr. Et puis il a enregistré avec Ornette COLEMAN sur le fameux Free Jazz en 1960, acte de naissance de ce courant d’avant-garde. Quatre ans plus tard et après un certain nombre d’albums en tant que leader pas forcément inoubliables, il sort chez Blue Note cet opus et son grand œuvre que certains considèrent comme l’acte de décès du Bop.

Le résidu de Bop, on le retrouve bien ici et là sur quelques morceaux comme "Gazzelloni" mais toutes les compositions inédites de cet album sont en réalité des ovnis qui font fi de toutes les conventions du genre et qui évoluent dans leur propre espace-temps. Il faut dire que le maître d’œuvre est épaulé par une sacrée brochette de talents. C’est toujours un peu lourd de vanter les qualités de chacun des intervenants dans une chronique mais il est évident qu’il ne s’agissait pas là d’une cession de plus pour les sidemen réunis en cette journée du 25 février 1964. Il s’est passé quelque chose, les planètes se sont alignées et il suffit par exemple d’une seule note dans l’intro de "Hat and Beard" (en référence à MONK) à Bobby HUTCHERSON qui occupe au vibraphone l’espace normalement réservé au piano pour créer une ambiance digne de film d’horreur ou de science fiction. Tout au long de l’album, c’est bien d’un instrument de percussions dont il joue et on est loin des joliesses d’un Milt JACKSON. À la contrebasse, le titan Richard DAVIS déploie des trésors d’inventivité. Le final de "Something Sweet, Something Tender" à l’archet en duo avec la clarinette basse de DOLPHY est un moment extraterrestre en suspension. Anthony WILLIAMS venait d’avoir dix-huit ans quand il a enregistré l’album et son intelligence de jeu est sidérante. La batterie n’est plus ici un instrument d’accompagnement mais un instrument soliste. Freddie HUBBARD est le moins avant-gardiste du lot parce qu’il a le bon goût de ne pas essayer de rivaliser avec les audaces de Dolphy et dès lors son classicisme servi par une technique impeccable (il était intouchable à cette époque-là) fonctionne comme un contrepoids idéal.

Et que dire d’Eric DOLPHY ? Que la palette de ses instruments participe grandement à la création d’ambiances pour le moins singulières. À la flûte sur "Gazzelloni", à la clarinette basse sur "Something Sweet, Something Tender", au saxophone alto ailleurs, il lacère l’espace, le décompose, l’étire, ouvre des portes vers des mondes parallèles. Pour reprendre mon analogie avec la peinture, DOLPHY, ce serait Jackson Pollock. Et Pollock n’est pas du goût de tout le monde, on y revient. Feu follet dans l’histoire du Jazz, le jeune musicien n’aura pas le temps de voir l’album dans les bacs. Il meurt quelques mois plus tard à 36 ans d’un diabète non-diagnostiqué en Allemagne en tournée avec MINGUS.

"Out to Lunch", c’est ce qu’on lit sur les écriteaux laissés sur la porte par les commerçants partis déjeuner. Ceux-ci y indiquent généralement l’heure de leur retour. Comme on peut le voir sur la pochette avec la multiplicité des aiguilles, les musiciens semblent barrés pour de bon. Mais, "out to lunch", ça veut aussi dire "distrait", voire "fou", bref "ailleurs". Tentez l’aventure du voyage dans une autre dimension. Ça secoue certes un peu, alors accrochez-vous si besoin est. Et tentez-la trois fois s’il le faut, votre ténacité sera récompensée.

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   JASPER LEE POP

 
  N/A



- Eric Dolphy (saxophone alto, clarinette basse, flûte)
- Richard Davis (contrebasse)
- Bobby Hutcherson (vibraphone)
- Freddie Hubbard (trompette)
- Anthony Williams (batterie)


1. Hat And Beard
2. Something Sweet, Something Tender
3. Gazzelloni
4. Out To Lunch
5. Straight Up And Down



             



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