C’est ballot quand même ! Si Tom KEIFER avait eu la jugeote de me passer un coup de fil lors du quart d’heure de gloire de CINDERELLA, je lui aurais donné un bon conseil et pour pas un rond : "Tommy, mon poteau, ménage un peu tes cordes vocales, tu vas te faire mal". Cette voix puissante et éraillée avec ce timbre bluesy (à la Brian Johnson jeune en moins pénible) était magnifique et impressionnante mais on sentait que le type était constamment proche de la rupture. Et de fait, en 1991 KEIFER se brisait la voix sur la tournée du troisième album. Une paralysie partielle des cordes vocales est détectée et l’enfer commence pour le chanteur qui enchaîne opérations et coachs vocaux, enregistre un quatrième album phrase par phrase, voire mot par mot, refait une tournée catastrophique en 2006, rechope des nodules parce qu’il compense en prenant de mauvaises habitudes. Long parcours douloureux jusqu'à la rencontre avec le bon coach vocal qui lui réapprend totalement à se servir de son organe. CINDERELLA étant empêtré dans des conflits contractuels et des dissensions internes (visiblement liées à l’alcoolisme de Jeff Labar), le maître d’œuvre décide de revenir seul et commence à bosser sur ce disque en 2003.

C’est dire si la gueulante explosive que KEIFER balance quand la batterie fait son entrée sur "Solid Ground" est symboliquement importante. On attendait le chanteur au tournant, il remet les pendules à l’heure de la plus belle des manières avec un excellent morceau digne du CINDERELLA des grands jours. Pour ce qui est de la suite, ça n’est pas aussi simple. Tout comme KEIFER a dû réapprendre à chanter, l’auditeur qui connaît son ancien groupe sur le bout des doigts doit s’habituer à cette nouvelle voix. La première écoute de l’album est schizophrène, on croit entendre un maximum de faussetés alors qu’il n’en est rien. On repère accessoirement aussi les astuces de chanteur pour contourner certaines difficultés.

Pour ce qui est des compos, celles-ci se divisent en deux catégories, les morceaux les plus pêchus proches du répertoire de Cendrillon et donc teintés AEROSMITH et STONES, les influences majeures du bonhomme ("Solid Ground", "Mood Elevator", "It’s Not Enough") et les chansons typées country ("A Different Light", "You Showed Me"). Les ballades sont à répartir entre ces deux catégories. La touche country n’est pas nouvelle et se faisait entendre dès Long Cold Winter, elle est ici beaucoup plus présente, KEIFER habite Nashville et il cosigne presque toutes les compositions avec sa femme, la chanteuse Savannah Snow. Celle-ci l’accompagne sur scène et semble l’avoir beaucoup aidé lors de sa traversée atone du désert. On lui en sait gré mais sa présence se fait un peu trop sentir alors que l’album a mis dix ans à se faire, que la dernière production de CINDERELLA date de 1994 et qu’on attendait donc beaucoup du retour de son talentueux multi-instrumentiste de mari.

The Way Life Goes est un bon disque qui ne tient pas totalement les promesses liées à une trop longue attente. KIEFER avait probablement besoin de se rassurer et c’est à présent chose faite. Il vient de rentrer en studio pour enregistrer des morceaux composés avec le (bon) groupe qui l’accompagne sur scène depuis la sortie de cet album. Voilà qui est prometteur.

À noter que l’album est ressorti en 2017 augmenté de trois titres, une reprise de "With a Little Help From my Friends" et deux versions de "Nobody’s Fool" (une au piano et une en duo avec Lzzy Hale).